C'est en juxtaposant différentes informations que les policiers ont pu établir que les vidéos du démembrement de Lin Jun avaient été tournées le 25 mai 2012. Des images montrant un autre homme nu et attaché sur le même lit avaient pour leur part été tournées six jours plus tôt.

C'est ce qui se dégage du témoignage que Panagiotis Sarganis, policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) expert en informatique judiciaire, a rendu lundi au procès de Luka Rocco Magnotta. M. Sarganis est intervenu dans le dossier pour extraire et analyser la carte mémoire d'une caméra Sony trouvée dans un des nombreux sacs à ordures placés près du 5720, boulevard Décarie, le 29 mai 2012. On sait que différents objets et outils ensanglantés, de même que des membres de Lin Jun étaient aussi dans ces sacs à ordures et que Magnotta habitait dans l'immeuble en question.

Lorsqu'elle a été récupérée, le 29 mai, la caméra était mouillée et ne fonctionnait pas. Des images ont pu être extraites de la carte mémoire, mais il était impossible de vérifier la date de création des fichiers. M. Sarganis a récupéré 505 photos et 15 vidéos.

En février 2013, M. Sarganis a réussi à allumer la caméra. Celle-ci n'avait pas été réglée aux dates réelles. Elle avait fonctionné avec celles par défaut, datant de 2005. Par déduction et analyse, en comparant notamment avec les vidéos des caméras de surveillance de l'immeuble où résidait Magnotta, l'expert a établi que les séquences du démembrement datées du 19 avril 2005 avaient en réalité été créées le 25 mai 2012. De la même manière, il a établi que les séquences montrant l'autre individu avaient été créées le 19 avril. Les caméras de surveillance ont d'ailleurs révélé qu'un homme, qui n'a jamais été identifié, était entré chez Magnotta le 18 et en était sorti le lendemain, complètement assommé.

Les policiers se sont aussi fiés à la mise en ligne de la vidéo One Lunatic One Ice-Pik pour cibler les dates.

M. Sarganis poursuivra son témoignage aujourd'hui.

Livraison de colis

Plus tôt dans la journée, différents témoins ont raconté comment ils avaient réagi à la réception de deux colis, à Ottawa, le 29 mai 2012. Un colis, envoyé au Parti conservateur, contenait un pied, tandis que le second, qui contenait une main, était adressé au Parti libéral. Ce dernier a été intercepté avant de parvenir à destination.

Dans les deux cas, les boîtes étaient identiques de l'extérieur et portaient le même nom d'expéditeur, soit Renée Bordelais. On sait cependant que c'est Magnotta qui a envoyé ces sinistres colis. Il a d'ailleurs été filmé par des caméras de surveillance du complexe des Ailes de la mode, à Montréal, quand il les a postés. Le samedi 26 mai, il a posté le premier à 12h09 et le second à 15h37. On sait qu'il s'est envolé le soir même pour Paris.

Au Parti conservateur

Jenni Byrne, directrice au Parti conservateur, a relaté comment son assistante et elle avaient commencé à ouvrir la boîte qui venait d'arriver, le matin du 29 mai, au bureau du parti à Ottawa. Le colis contenait plusieurs emballages: du papier de soie rose, un sac à vin noir et un sac-poubelle. Au tout dernier emballage, le paquet était mou et une forte odeur de pourriture s'en dégageait. Mme Byrne a alors jugé qu'il fallait appeler la police.

«Ce n'était pas le genre de paquet que l'on recevait habituellement», a fait valoir Mme Byrne lors de son témoignage. La boîte en question avait un grand coeur dessiné à la main, dans le fond. Et il y avait une note manuscrite, sur du papier rose, qui disait ceci: «Stephen Harper and Lauren Teskey will know who this is. The fucked up big time.» (Traduction libre: Stephen Harper et Laureen Teskey [sa femme] sauront de qui il s'agit. Ils se sont bien fait avoir.)

Au sujet du sinistre colis livré au Parti conservateur: «Stephen Harper a été mis au courant», a dit Jenni Byne, qui n'a pas précisé quand cela a été fait.

Le second paquet, envoyé au Parti libéral, a été intercepté avant d'être livré, a raconté un autre témoin, Chantal Pombert, policière d'Ottawa affectée à l'identité judiciaire. Le paquet, emballé de façon similaire, a été envoyé directement à la morgue. Il contenait une main, dont les empreintes des doigts avaient été arrachées. Le colis contenait également une note sur du papier rose, qui disait: «You need to speak to Laureen Teskey, her family lots to hide.» (Vous devez parler à Laureen Teskey, sa famille a beaucoup à cacher.)