Vêtu d'un pimpant t-shirt jaune et coiffé d'une casquette, Lin Jun arrive d'un pas léger, en compagnie de Luka Rocco Magnotta, dans l'immeuble du boulevard Décarie. Il est 22h16, le 24 mai 2012.

Moins de quatre heures plus tard, Magnotta ressort, seul, portant la casquette et le t-shirt jaune de Lin Jun.

C'en est fini de l'étudiant chinois.

Pas un son n'émane des cinq caméras de surveillance de l'immeuble où habitait Luka Rocco Magnotta, en mai 2012, mais leurs images, qui ont été projetées hier devant le jury, sont glaçantes. Elles montrent les nombreuses allées et venues que Luka Rocco Magnotta a effectuées pendant la nuit et la journée du 25 mai, pour se débarrasser du corps et vider son appartement. Malgré l'horreur et l'ampleur de la tâche, Magnotta prend souvent le temps de s'arrêter dans le hall de son immeuble pour se mirer dans la glace. D'abord de face, puis légèrement de côté. Il replace précautionneusement une mèche de cheveux. Ou plutôt une mèche de la perruque noire qu'il porte.

Cette perruque a été retrouvée à Berlin, «quand il a été arrêté», a expliqué la sergente-détective Claudette Hamlin, qui a décrit le déroulement des vidéos au bénéfice du jury, hier. Mme Hamlin est l'enquêtrice principale au dossier, avec son collègue Michel Bourque.

Nombreux déplacements

Les images projetées hier, montrent un Magnotta calme qui se déplace sans se presser.

Il descend plusieurs fois au sous-sol pour y jeter des choses dans de gros bacs à ordures. Parfois, il déplace ou transfère les choses dans les bacs, comme pour camoufler ce qu'il vient de jeter. Il prend ensuite le temps de replacer sa mèche de cheveux. Il se rend de nombreuses fois au sous-sol: à 2h47, 4h02, 4h09, 4h22, 4h26, 4h31, 14h17, 17h12...

Les autres caméras montrent qu'un peu après 4h30, cette fameuse nuit, Magnotta sort de son immeuble avec un petit chien noir dans les bras. Il revient peu après, toujours avec le chien, dont on aperçoit la laisse. Ce «bébé chien», a précisé Mme Hamlin, hier, a été retrouvé mort dans l'un des sacs à ordures près de l'immeuble de Magnotta. Dans les autres sacs, il y avait des couvertures ensanglantées, des outils, des couteaux, des documents... Et les membres de Lin Jun.

Le torse, on le sait, était dans une valise grise au même endroit. C'est le concierge de l'immeuble, Michael Nadeau, qui l'a ouverte, dans la matinée du 29 mai, en raison de l'odeur et des asticots qui en sortaient, comme il l'a raconté, hier.

Grâce aux caméras de surveillance, on connaît un peu l'histoire de cette valise. Magnotta est sorti de son immeuble le matin du 25 mai à 7h42, et il est revenu à 8h48 avec cette grosse valise grise. Elle était vide, de toute évidence, car il n'avait aucun mal à la manipuler.

Elle ne l'était plus à 22h14 le même jour, quand il est sorti de l'ascenseur. Magnotta avait même un peu de mal à descendre les quelques marches du hall avec son encombrant bagage. Après, les choses sont devenues plus faciles, il l'a fait rouler dehors. Il est revenu au bout de trois minutes, sans valise.

Les images montrent que Magnotta s'est commandé de la pizza chez Pizza Pizza, le 25 mai, vers 18h. La facture a été retrouvée dans le sac 15, a indiqué Mme Hamlin. Les caméras montrent que le livreur est venu porter la pizza à 18h30, à l'appartement 208, celui de Magnotta.

De nombreuses autres allées et venues de Magnotta sont enregistrées par les caméras. À la fin de l'audience, hier, on était rendu à 22h17, le soir du 25 mai. Magnotta venait de rentrer dans son immeuble.

La suite sera présentée lundi. On sait que c'est le lendemain, le 26, que Magnotta s'est envolé pour la France.

Rappelons que Magnotta est accusé du meurtre prémédité de Lin Jun, d'outrage à son cadavre, fabrication de matériel obscène, utilisation de la poste pour diffuser du matériel obscène et harcèlement contre le premier ministre Stephen Harper et les membres de son gouvernement. Dès l'ouverture de son procès, lundi, Magnotta a admis avoir commis les actes qu'on lui reproche. Son avocat entend démontrer que Magnotta souffrait de troubles mentaux et que ceux-ci l'empêchaient de savoir ce qu'il faisait ou de distinguer le bien du mal.