Ils étaient quatorze artistes, quatorze comme les victimes : Geneviève, Nathalie, Hélène, Barbara, Anne-Marie, Maud, Barbara, Maryse, Maryse, Anne-Marie, Sonia, Michèle, Annie et Annie. C'est en souvenir d'elles que le Théâtre Outremont était bondé, samedi soir, 25 ans après leur assassinat. Une soirée où les messages ont été portés non seulement par de nombreux discours, mais aussi par la force de la musique.

Parmi la foule qui se pressait dans le hall d'entrée avant le spectacle, on pouvait reconnaître diverses personnalités : Pierre Karl Péladeau, Julie Snyder, Luc Plamondon et Véronique Hivon, entre autres. On n'a pu s'empêcher de remarquer, aussi, la présence de deux policiers en uniforme à l'entrée, et d'au moins un autre en civil à l'intérieur.

Une fois tout ce beau monde assis, le spectacle n'était pas encore commencé que Pauline Marois obtenait une longue ovation en montant sur scène, avant même d'avoir prononcé un mot.

«Gardez cela pour les artistes, ils sont formidables», a dit l'ancienne première ministre du Québec. Après son discours, elle a cédé la place à d'autres femmes venues de différentes familles politiques, soit Liza Frulla, Manon Massé, Hélène David et Stéphanie Vallée, qui ont parlé à leur tour. Du registre des armes à feu, des mille femmes autochtones disparues sans que l'on enquête, de justice et d'égalité.

Derrière elles, quatorze chaises vides étaient disposées sur scène. La comédienne Julie Le Breton a fait office de maître de cérémonie. C'est la soprano Marie-Josée Lord qui a ouvert la partie musicale en disant : «Cette chanson est dédiée à Anne-Marie Lemay, qui étudiait en génie mécanique.» Une photo d'Anne-Marie Lemay a été brièvement projetée sur un écran au fond de la scène avant de s'évanouir, tandis que la chanteuse entamait La quête, rendue célèbre par Jacques Brel.

Les quatorze artistes participants sont ainsi venus saluer la foule. Puis chacun d'entre eux a interprété une chanson dédiée à l'une des quatorze victimes dont on voyait la photo apparaître et disparaître, ravivant en nos coeurs la tristesse de leurs jeunes vies perdues.

Toutes générations confondues

Plusieurs générations d'artistes étaient représentées, jeunes et moins jeunes, sept hommes et sept femmes : Robert Charlebois, Louise Forestier, Daniel Bélanger, Mara Tremblay, Yann Perreau, Jorane, Vincent Vallières, Betty Bonifassi, Émile Proulx-Cloutier, Marie-Pierre Arthur, André Lejeune, Marie-Josée Lord, Bernhari et Dorothée Berryman.

Il va sans dire que la nature de ce triste anniversaire a fait en sorte qu'une ambiance solennelle régnait entre les chansons. De plus, avec une brochette d'artistes aussi hétéroclite, le spectacle ne pouvait qu'être quelque peu décousu. Malgré tout, il a été ponctué de beaux moments.

«Ouvrons nos coeurs, les gars. Faisons des hommes de nous», a dit Yann Perreau, soulevant les applaudissements. André Lejeune, que l'on ne voit plus ni n'entend guère dans les médias, a rappelé à tous qu'il avait encore une excellente voix et de la présence sur scène en chantant La promesse. On regrette également que Louise Forestier ne soit presque plus présente sur nos scènes, puisqu'elle a livré l'une des prestations les plus poignantes de la soirée. Elle a d'ailleurs été l'une des seules à faire réagir un public assez figé.

Les fonds recueillis grâce au concert étaient destinés à la Coalition pour le contrôle des armes, qui a indiqué avoir besoin de cet argent pour poursuivre ses démarches judiciaires en Cour suprême pour la sauvegarde des données québécoises du registre des armes à feu.

Car au-delà des douloureux souvenirs de cette tragédie sans nom, ce concert a aussi été l'occasion de nous rappeler que depuis le drame de Polytechnique, plus de 1500 femmes ont été tuées au Canada par leur conjoint, leur ex-conjoint ou un autre partenaire intime.