Nathan n'a pas digéré sa suspension. Il s'est masqué le visage derrière une cagoule et un foulard. Il a enfilé deux manteaux pour mieux cacher un couteau dans sa manche. Il a glissé un second couteau dans son sac à dos. Et avant de quitter sa maison de Valleyfield, il a débranché les deux téléphones, «pour ne pas que l'école vérifie le motif de son absence».

Puis, le garçon de 15 ans (dont le vrai nom est interdit de publication) a débarqué en classe. Il s'est rué sur l'élève qui courait alerter la direction. Le couteau est passé «à quelques pouces de sa gorge», précise le tribunal de la jeunesse, qui a puni Nathan pour séquestration, voies de fait, menaces de mort et possession d'armes, en 2004.

Heureusement, personne n'est mort; Nathan s'est rendu aux policiers.

Dix ans plus tard, une question demeure: pourquoi son ami et son cousin n'ont-ils jamais sonné l'alarme? Nathan - paranoïde et atteint du syndrome d'Asperger - leur avait annoncé qu'il allait tuer son enseignante.

Comme Nathan, 81% des auteurs de tueries en milieu scolaire avaient annoncé leurs intentions à au moins une personne, révèle une étude menée en 2008 par les Services secrets et le ministère de l'Éducation américains. Mais bizarrement, seulement 4% des confidents de jeunes tueurs avaient tenté de les dissuader d'agir. La mère d'un élève qui a préféré se taire lui avait conseillé «de se mêler de ses affaires». Et les amis d'un des tueurs de l'école Columbine, au Colorado, ont fait la même chose, tout en sachant que ce dernier avait scié les canons de ses fusils et s'exerçait à tirer.

«Les signaux les plus évidents sont souvent ignorés parce qu'on croit les élèves trop jeunes, trop bizarres, ou parce qu'on pense qu'ils blaguent», analyse le psychologue Peter Langman, auteur de deux livres sur les tueries en milieu scolaire. Il faut montrer aux élèves à reconnaître les signes menaçants et leur donner plusieurs outils pour dénoncer.»

Comment briser la loi du silence? En 2010, des chercheurs américains ont posé la question au personnel de quatre écoles où des massacres ont pu être évités1. Dans ces établissements, ont-ils conclu, les élèves savaient qu'ils pouvaient faire confiance aux figures d'autorité de l'école. L'intimidation n'y était pas tolérée et le personnel était présent en dehors des classes - non seulement pour exercer une surveillance, mais pour se montrer disponible et tisser des liens.

(1) «A Qualitative Investigation of Averted School Shooting Rampages», publié dans The Counseling Psychologist, 2010