Après une pause salutaire en 2010, la Carifête revient aujourd'hui pour la 36e fois. Dans les dernières années, des problèmes internes avaient miné la fête, mais tout semble rentré dans l'ordre. La nouvelle équipe de direction, plus jeune, semble bien décidée à redonner de l'éclat à cette institution multiculturelle de Montréal. Mais au fait, que sait-on vraiment de cette tradition typiquement trinidadienne, qui remonte au temps des colonies? La Presse fait le point... en 12 points.

Histoire

Originaire de Trinidad-et-Tobago, la Carifête s'inspire du temps où les esclaves, une fois par année, avaient le droit de se déguiser en rois et en reines pour ridiculiser leurs maîtres. Ce défilé haut en couleur culmine théoriquement par le couronnement des plus beaux costumes et des meilleures chorégraphies. Mais exceptionnellement, cette année, il n'y aura pas de jury et donc pas de concours à Montréal, les organisateurs ayant mis toute leur énergie - et leur budget - dans l'organisation du défilé.

Renaissance

C'est le grand thème de la Carifête cette année, après une annulation et trois ans de querelles intestines. Deux groupes se disputaient la manifestation. La Ville a finalement confié le défilé à la CCFA (Caribbean Cultural Festivities Association), organisation de longue date désormais menée par une jeune équipe. «Cette année, tout le monde apprend», résume Everiste Blaize, nouveau président de la CCFA.

«Mas»

Comme dans «mascarade». On dit de ceux qui participent à la Carifête qu'ils «jouent à la mas» (play mas). On peut «jouer à la mas» dès l'âge de 4 ans - d'ailleurs, il y a toujours beaucoup d'enfants costumés. Certains le font jusque dans la soixantaine!

Mas bands

La Carifête est composée de plusieurs mas bands (groupes de mascarade), qui défilent en costume et en musique avec des chars allégoriques. Chaque groupe est divisé en sections de couleurs différentes (entre 2 et 10, c'est selon) et mené par un band leader. Le band leader est celui qui a la «vision». Il est le metteur en scène qui choisit le concept, les costumes, la musique et qui trône sur le char avec le DJ. Cette année, 10 groupes participeront à la Carifête.

Expérience

Le plus vieux mas band de Montréal est celui de l'Association culturelle Roots, qui participe à la Carifête depuis 34 ans. Mais on compte aussi plusieurs participants qui en seront cette année à leur premier défilé, comme les High Rollers, les Royal Fantasy ou les Carnival Freaks.

Plumes et paillettes

Tous les déguisements de la Carifête sont faits maison. Et il est hors de question que le même costume serve deux années d'affilée. Fabriqués par des bénévoles (souvent des vétérans) à des coûts pouvant dépasser les 2000$, les déguisements se divisent en deux catégories: 1) les «costumes», généralement un bikini et une coiffe de plumes; 2) les «pièces», beaucoup plus ambitieuses, qui représentent le roi et la reine et constituent l'élément-vedette de chaque groupe. Les «pièces» sont déterminantes pour le concours. Cette année, faute de juges, ces déguisements éclatants seront plus modestes qu'à l'habitude.

Toronto

Soyons honnêtes: les dissensions «carifêteuses» ont miné l'enthousiasme de la communauté caribéenne de Montréal. Certains ont même quitté le navire pour défiler plutôt à la gigantesque Caribana de Toronto, qui aura lieu en août. Cela explique, en partie, qu'il y ait moins de participants à la Carifête cette année. Cela dit, Toronto a aussi eu sa part de problèmes. Comme à Montréal, deux groupes viennent aussi de s'affronter en cour pour l'organisation de la fête. Résultat: la Caribana s'appelle désormais le Scotia Bank Caribbean Carnival, du nom de son principal commanditaire. Pas très séduisant...

Financement

La Carifête jouit d'un budget de 30 000$, alloué par la Ville de Montréal. On est loin des 400 000$ consentis à la Caribana par la Ville de Toronto, sans oublier les centaines de milliers de dollars qu'elle reçoit en commandites. Vrai que les retombées touristiques du défilé sont beaucoup plus importantes à Toronto, où la communauté caribéenne est également beaucoup plus nombreuse. À Montréal, participer à la Carifête est avant tout un «acte d'amour».

Happy Wandere

Leeroy Edwards, alias The Happy Wanderer, est mort en décembre dernier à l'âge de 88 ans. Depuis plusieurs années, ce vieil excentrique d'origine trinidadienne avait l'habitude d'ouvrir le défilé, vêtu de ses plus beaux boubous africains. Son absence sera remarquée.

Après

Le défilé de la Carifête est toujours suivi d'une grande fête. Cette année, ce sera au cégep André-Laurendeau, avec des vedettes soca comme Iwer George, Hottsand et Daddy Ghost. Descendant du calypso, le soca est un peu le reggae des Trinidadiens. Mais si vous préférez le reggae, vous pouvez toujours choisir la Journée de la Jamaïque, qui a lieu le même soir au parc Jean-Drapeau.

Après l'après

On sait d'ores et déjà que c'est la CCFA qui organisera le défilé en 2012. Il reste à voir comment les organisateurs s'y prendront pour intéresser des commanditaires «nationaux» - le plus grand défi de la Carifête, année après année. À quand une Scotia Bank pour Montréal? «Tout est dans le plan d'affaires, et le nôtre est prêt, souligne Everiste Blaize. Nous sommes ouverts à la discussion.»

Où et quand?

Le défilé de la 36e Carifête commence aujourd'hui samedi à 11 h. Il parcourra le boulevard René-Lévesque de la rue Guy à la rue Sanguinet. Plus de détails sur carifiesta.com.