Si le retour du parrain Vito Rizzuto à la tête de la mafia montréalaise, cet hiver, a marqué une accalmie dans la série de meurtres au sein du crime organisé, ceux-ci semblent avoir repris de plus belle depuis les dernières semaines dans la région de Montréal. Contrairement à la vague d'homicides qui a marqué le crime organisé au cours des quatre dernières années, ces meurtres récents ne sont pas liés à la lutte d'influences qui déchirait la mafia italienne, mais constituent plutôt «des événements ponctuels de conflit entre des partenaires d'opportunité», explique le commandant François Bleau de la Division du crime organisé de la police de Montréal.

Alors que les organisations criminelles fonctionnaient autrefois en silos, souvent dans un groupe ethnique fermé, elles travaillent maintenant main dans la main et s'échangent des services pour accroître leurs profits et limiter les pertes, ce qui peut parfois créer des frictions. Pour expliquer ces meurtres, le commandant Bleau refuse d'utiliser le mot guerre, et il a raison. S'il se veut rassurant, reste que les derniers événements ont de quoi inquiéter.

Plus haut, plus vite

Quatre des victimes de meurtres commis dans la plus pure tradition du crime organisé depuis la fin mai étaient âgées de 20 à 25 ans à peine, et les trois autres étaient dans la trentaine. Les quatre présumés meurtriers d'Yvon Lafond, ce proche des motards tué il y a une semaine à L'Assomption, n'ont même pas 22 ans et l'un d'entre eux est mineur. Comment expliquer cela?

Les Printemps 2001, Colisée, SharQc et autres opérations policières menées périodiquement contre le crime organisé, de même que la guerre intestine qui a décimé les rangs de la mafia italienne, ont profité à d'autres organisations, qui ont comblé le vide et fait émerger une relève de criminels de la nouvelle génération, comme l'a démontré l'opération Argot 2, menée récemment contre la mafia. Même le parrain, dont la garde rapprochée a été étrillée, a été contraint de s'entourer de gens plus jeunes.

Ces «nouveaux criminels» n'ont pas nécessairement les mêmes valeurs que leurs aînés. «Ils sont plus jeunes, affamés, mènent un rutilant train de vie, veulent faire de l'argent vite et n'attendent pas un feu vert d'en haut avant de régler leurs comptes», a décrit à La Presse une source proche du milieu criminel qui s'est plu à comparer Montréal - avec ses meurtres, ses politiciens corrompus et ses policiers suspendus - à la pécheresse Gotham City de la trilogie des Batman.

Montréal n'est pas Gotham City et elle ne le deviendra jamais. À une époque pas si lointaine, 90 meurtres étaient commis dans la métropole, contre 35 ces dernières années. On est aussi très loin de la guerre des motards qui a fait plus de 160 morts durant les années 1990.

La police de Montréal, qui est celle qui a le meilleur réseau de sources et la meilleure vue d'ensemble grâce à ses partenaires de la SQ, de la GRC et des corps de police municipaux, maîtrise toujours la situation et exerce une pression constante sur le crime organisé. Mais il faudra avoir à l'oeil ce choc des générations.

Faute de budget, les enquêtes policières ont été plus rares, ces derniers temps à Montréal, et certains groupes criminels ont été moins «travaillés» que d'autres.

On en ressent peut-être les effets avec ces meurtres commis au sein du crime organisé irlandais et libanais ces derniers mois. Certaines des victimes de ces crimes sont des acteurs importants. Qui dit grosse pointure tuée dit représailles. L'été pourrait être chaud.