Depuis lundi, analystes et policiers débattent des hypothèses sur le meurtre du vieux mafioso Joe Di Maulo. Celle de la libération récente du parrain déchu Vito Rizzuto et d'un premier geste d'éclat des Siciliens pour tenter de reprendre le pouvoir est privilégiée par la police, selon plusieurs sources consultées par La Presse.

Joe Di Maulo était le beau-frère de Raynald Desjardins. Originaire de la région du Molise, dans le sud de l'Italie, il a toujours fait partie d'une cellule de Calabrais influents et respectés dans la mafia. D'après plusieurs policiers, Di Maulo, avec son beau-frère et d'autres individus - dont Salvatore Montagna et Domenico Arcuri -, aurait joué un rôle important dans la lutte d'influence qui a mené à la chute des Rizzuto, scellée par la mort du patriarche Nicolo dans sa cuisine, le 10 novembre 2010.

Il aurait même reçu à plusieurs reprises la visite de membres d'une famille mafieuse de l'Ontario en 2010, nous a-t-on dit. D'autres sources croient plutôt que Di Maulo serait demeuré neutre durant cette lutte de pouvoir. C'est justement parce qu'il a toujours pensé qu'il n'avait rien à se reprocher qu'il se promenait sans garde du corps en cette période de grands bouleversements dans la mafia.

Or, dans le milieu, le fait de rester neutre n'est pas suffisant. Dans ce monde qui ne pardonne pas, on est contre ou on est pour. On ne peut pas se fermer les yeux. On devient coupable par association. Cela pourrait expliquer la mort de Joe Di Maulo.

Mais derrière cette mort se profilent également un message clair et une retentissante démonstration de force de la part de la personne qui l'a ordonnée. Joe Di Maulo n'était en effet pas le premier venu. Il était le mafioso le plus expérimenté encore vivant au Québec, et son assassinat est presque aussi important et symbolique que celui du vieux parrain, en novembre 2010.

La vie criminelle de Joe Di Maulo remonte aux années 60. Il a écrit à lui seul plusieurs pages de la petite histoire du crime organisé de la province. Il était très respecté et aimé de tous. Il était un conseiller et un apôtre de la paix entre gangs. En plus de la mafia italienne, Di Maulo, francophile, était très proche du clan Dubois, d'autres clans du crime organisé traditionnel québécois, des motards et d'autres groupes criminels, comme les Libanais. «Si tu avais un problème, tu allais voir Joe», nous a-t-on dit.

Bref, Joe Di Maulo avait beaucoup d'amis puissants. La personne qui a commandé le meurtre du vieux mafioso a donc certainement dû obtenir le feu vert - à moins qu'elle soit celle qui l'a donné. En éliminant un tel acteur, elle envoie un message à tous ses ennemis ou à ceux qui hésitent à se ranger dans son camp: «Je veux la place. Vous embarquez avec moi ou vous êtes contre moi.»

Mais envoyer des messages est une chose. Être à la hauteur en est une autre. L'auteur de ce meurtre doit maintenant prouver qu'il est capable de prendre la place de parrain et de la conserver. On ne tue pas quelqu'un comme Joe Di Maulo sans avoir les reins et les appuis suffisamment solides pour être en mesure de prendre les rênes de la mafia à Montréal. Quelqu'un semble donc être prêt à le faire. Et s'il s'agit des Siciliens, la reprise du pouvoir sera jumelée à une vengeance qui laisse croire à la police qu'il y aura d'autres victimes.