Une série de meurtres a ébranlé la mafia montréalaise au cours des dernières années. Le clan sicilien dirigé par Vito Rizzuto et son père a été renversé. Dans un épilogue qui vient d'être ajouté à leur livre Mafia inc., André Cédilot et André Noël révèlent les noms des nouveaux acteurs. Parmi eux: Joe Di Maulo, Domenico Arcuri, Salvatore Montagna et Raynald Desjardins.

Fin 2010, les enquêteurs peinaient à trouver un fil conducteur parmi tous les meurtres qui avaient marqué le milieu du crime organisé italien de Montréal depuis les deux dernières années. En revanche, il était clair que des criminels notoires en voulaient au clan Rizzuto.

C'était le cas de Raynald Desjardins, qui avait déjà été un proche collaborateur de Vito. Condamné pour importation de cocaïne, Desjardins avait longtemps séjourné en prison et depuis sa libération, en 2004, il s'était lancé dans la construction résidentielle.

N'étant pas d'origine italienne, il ne pouvait pas devenir un membre à part entière de la mafia, mais sa richesse, son charisme, sa longue expérience criminelle et son formidable réseau de contacts en faisaient un personnage très puissant. Or, il n'avait jamais accepté l'assassinat de son protégé, Giovanni Bertolo, en 2005.

Rôle discret

Selon la police, Desjardins et son beau-frère Joe Di Maulo jouèrent un rôle discret dans le bal des complicités et des rivalités, des alliances et des trahisons, qui s'amorça après le meurtre du jeune Nicolo Rizzuto (en 2009). Loin d'être mis à l'écart, ils participaient à la relève.

Né en 1943, d'origine calabraise, Joe Di Maulo restait un pilier de la mafia montréalaise. Il avait accompagné Vic Cotroni au mariage de Paolo Violi à Hamilton, en 1965. Le 12 mars 1971, à l'âge de 28 ans, il avait été accusé d'un triple meurtre commis dans son club, La Casa Loma.

D'abord condamné, il avait été acquitté en appel. Le 11 novembre 1973, il se rendait à New York avec Violi et Desjardins pour représenter la decina montréalaise à l'élection de Phil Rastelli à la tête de la famille Bonanno.

Après l'assassinat de Violi, Di Maulo et ses pairs du clan Cotroni s'étaient sagement rangés dans le camp des Rizzuto. Au début des années 1990, il avait collaboré avec Vito pour mettre la main sur une partie de l'or accumulé par le dictateur philippin Ferdinand Marcos.

En 2003, et à maintes autres reprises, il avait accompagné Vito en République dominicaine. Mais voilà, l'année suivante, Vito se faisait arrêter, suivi bientôt par son père. Dès lors, Di Maulo avait senti le vent tourner. On disait de lui qu'il était le propriétaire d'une douzaine d'entreprises bien légales. Très discret, il ne fréquentait pas les bars et les boîtes de nuit. Comme Desjardins, il naviguait habilement entre le milieu interlope et le milieu des affaires.

Raynald Desjardins, lui, avait de bonnes relations dans les syndicats de la construction et parmi les entrepreneurs. Il se rapprocha d'un homme d'affaires peu connu, lui aussi d'origine calabraise. Fort à l'aise financièrement, ce nouvel acolyte avait, comme lui, d'importants investissements dans l'immobilier (...)

Un peu comme une photo qui se révèle dans un bac d'acide, la présence de Salvatore Montagna se fit sentir progressivement dans le paysage mafieux montréalais.

Montagna vit le jour à Montréal en 1971, mais il grandit à Castellammare del Golfo, la petite ville de Sicile qui avait vu naître des membres importants de la mafia américaine comme Joseph Bonanno, puis, à l'âge de 15 ans, il déménagea à New York.

En 2006, à l'âge de 36 ans, Montagna était promu chef suppléant de la famille Bonanno... Les responsables de l'immigration américains le placèrent devant une unique alternative: être renvoyé en Italie, dont il avait la citoyenneté, ou au Canada, son pays natal. Il choisit Montréal, où il pouvait espérer pouvoir continuer d'exercer ses fonctions de «boss».

Rizzuto en perte de confiance

Il emménagea dans une maison d'un de ses cousins, à Saint-Hubert, sur la Rive-Sud. Comme bien d'autres, il nota que les Rizzuto n'avaient plus la confiance du milieu interlope, particulièrement auprès de la jeune génération.

Montagna fit de nombreux voyages à Toronto et à Hamilton. Vers la fin de 2010, il commença à visiter des hommes d'affaires influents de la communauté italienne de Montréal, en compagnie de Domenico Arcuri.

Domenico Arcuri et son frère Antonino étaient propriétaires de Carboneutre, une firme spécialisée dans la décontamination des sols dans laquelle Raynald Desjardins était impliqué. Raynald Desjardins. Ce dernier fut présenté à Salvatore Montagna.

Les deux hommes décidèrent de collaborer. Désormais, Montagna avait de meilleurs appuis que les Rizzuto, autant en Ontario et à New York qu'au Québec. Ne craignant plus d'exercer son pouvoir, il tenta de faire entendre raison au vieux Nick. Il lui dit que son règne était terminé.

L'épilogue de Mafia inc. est disponible en ligne sur bit.ly/obh7sP