À vendre: maison du parrain déchu de la mafia canadienne, Vito Rizzuto. Prix demandé: 1 995 000$. Emplacement: avenue Antoine-Berthelet, près du bois de Saraguay, dans le nord-ouest de Montréal. Courtier immobilier: l'agence Sotheby's, spécialisée dans l'immobilier de luxe.

Vito Rizzuto, 65 ans, purge une peine de prison à Florence, au Colorado, pour le meurtre de trois capitaines rebelles de la famille Bonanno, à New York, commis en 1981. Arrêté dans sa maison en 2004, il a été extradé aux États-Unis et doit être libéré en juin 2012. Officiellement, la maison est au nom de sa femme, Giovanna Cammalleri, 63 ans.

N'est-il pas difficile de vendre la maison d'un chef de la mafia? «Non, a dit hier Liza Kaufman, courtière chez Sotheby's. Pourquoi serait-ce un problème? C'est une magnifique maison. Il n'y a aucun obstacle à la vente. Vito Rizzuto n'est plus là. On a déjà eu quelques visiteurs.»

La maison est en vente depuis peu, a-t-elle ajouté. Mme Cammalleri-Rizzuto, «une femme adorable», l'habite toujours. Elle et son mari ont-ils l'intention de s'établir hors du Canada? «Je ne sais pas, et si je le savais, je ne vous le dirais pas», a dit Mme Kaufman. Pourquoi vendre? «C'est une grande maison, et les enfants ne sont plus là...»

Le fils aîné du couple, Nicolo Junior, a été assassiné en décembre 2009. Les deux autres enfants, Leonardo, 42 ans, et Libertina, 38 ans, qui sont avocats, ont quitté la résidence familiale depuis longtemps.

Vito Rizzuto a été outré par le meurtre de son fils, qui, selon lui, n'avait pas d'activité mafieuse. Selon diverses sources, il hésiterait entre revenir à Montréal pour venger son fils ou aller vivre au Venezuela.

L'annonce, sur le site internet de Sotheby's, signale que la maison a été construite en 1982 par les propriétaires actuels: «Splendide résidence en pierre, construite sur mesure selon les plus hauts standards de qualité, maintenant en vente pour la 1re fois depuis sa construction. Maison idéale pour élever une famille et pour recevoir; elle possède 5 chambres (2 avec des salles de bains attenantes), des pièces spacieuses et un élégant jardin.»

«Une salle familiale dotée d'un foyer au bois avec un manteau en marbre importé d'Italie surplombe le patio couvert faisant la largeur de la maison... Des armoires en acajou, un réfrigérateur Sub Zero, des fours doubles Thermador, une cuisinière Jenn Air et un lave-vaisselle Maytag» se trouvent dans la cuisine, qui donne accès à «une suite pour la nounou».

La résidence, qui a une valeur de 1 million de dollars au rôle municipal d'évaluation foncière, s'étend sur un terrain de 1300 m2. Un garage pourvu de trois larges portes prolonge la maison, elle-même plus longue qu'une allée de quilles. Les pignons se succèdent au-dessus de la façade faite d'un mélange de pierres grises et de crépi blanc à colombages. Les fenêtres à meneaux de plomb de l'étage sont de style Tudor.

«La rue de la mafia»

Vito Rizzuto a fait construire sa maison un an après sa participation au triple assassinat de New York. L'argent de la drogue et des divers rackets entrait à flots. Il avait quitté le quartier de classe moyenne de Saint-Léonard pour s'installer dans ce bastion boisé et protégé des regards. Sa soeur, Maria, s'est installée juste à côté avec son mari, Paolo Renda. Ce dernier a été kidnappé dans la rue voisine, le boulevard Gouin, en mai 2010. Il a vraisemblablement été assassiné. Maria Rizzuto-Renda occupe toujours la maison.

Le père de Vito, Nicolo Senior, s'était lui aussi fait construire une vaste demeure dans la même avenue. En novembre dernier, un tireur caché dans le jardin lui a tiré une balle de calibre .300 dans la tête. Le patriarche s'est écroulé, mort, à côté de sa fille et de sa femme.

Giuseppe LoPresti, qui faisait le lien entre le clan Rizzuto et la famille Bonanno à New York, a vécu dans la même rue avant d'être assassiné, en 1992. Un cinquième membre du clan Rizzuto, Gerlando Sciascia, y avait acheté un terrain avoisinant. Il n'a pas pu s'y construire: les autorités de l'immigration canadienne l'ont renvoyé aux États-Unis, où il a lui aussi été assassiné (en 1999).

La présence de tous ces propriétaires mafieux dans une aussi petite rue, qui compte seulement neuf maisons, a déjà amené le Financial Post à décrire l'avenue Antoine-Berthelet comme «la rue de la mafia».