Deux Afghans sur trois qui ont cherché à trouver refuge au Canada après avoir risqué leur vie en travaillant pour les Forces canadiennes à Kandahar se sont vu refuser l'entrée au pays, incluant certains ayant travaillé aux côtés de soldats canadiens durant les moments les plus sanglants des combats.

Un programme de mesures spéciales a été annoncé en grande pompe durant l'automne de 2009 par le ministre de l'Immigration, Jason Kenney. Il permettait au Canada de s'enligner sur les autres pays membres de l'OTAN qui comptaient des mesures similaires, mais il prend fin lundi.

Les demandeurs devaient démontrer qu'ils couraient un risque extraordinaire en raison de leur travail pour le compte du Canada. Peu n'y sont pas arrivés. Travailler à titre d'interprète pour les forces de l'OTAN dans le sud de l'Afghanistan revenait à avoir un cible dans le dos.

Les lettres de nuit, appels anonymes menaçants, enlèvements et même pendaisons étaient monnaie courante. Comme les interprètes se déplaçaient avec les militaires et les diplomates, au moins six d'entre eux ont été tués par les explosions qui ont aussi coûté la vie à 161 Canadiens.

L'autre exigence d'importance pour être accepté au pays était un peu plus difficile: les interprètes devaient avoir travaillé pour le Canada pendant 12 mois de suite entre octobre 2007 et juillet 2011, date à laquelle la mission à Kandahar a pris fin. Cependant, les troupes canadiennes ont commencé leur travail à Kandahar en 2006, comme l'ont fait des centaines d'interprètes qui ont fini par offrir leurs services au gouvernement canadien.

La demande pour les services des interprètes était énorme. Les Forces canadiennes affirment que pendant les cinq années de leur mission à Kandahar, ils ont reçu plus de 6000 requêtes de soldats qui avaient besoin d'aide pour communiquer avec la population locale.

Entre l'été de 2006 et celui de l'année suivante, le Canada a été impliqué dans certains de ses combats les plus violents en plus de faire face aux premières explosions de dispositifs explosifs artisanaux.

Certains interprètes ont accepté les risques, comme Muhibollah Karegar, 32 ans, qui a expliqué que la seule façon pour lui de bien gagner sa vie était d'être interprète.

Il a commencé à travailler à la base de l'équipe provinciale de reconstruction en 2006. Peu après, il accompagnait les soldats qui prenaient part à l'opération Méduse, pour le contrôle du district de Panjawii.

«J'ai vécu les jours les plus dangereux de ma vie avec les Forces canadiennes», a affirmé M. Karegar dans un courriel.

Après avoir vu des collègues interprètes demander avec succès à s'installer au Canada, M. Karegar a décidé de quitter l'Afghanistan et de rejoindre les membres de sa famille déjà à Toronto.

«Je veux commencer une vie nouvelle et paisible et Canada», a-t-il dit.

Sa requête a cependant été rejetée. Bien qu'il ait travaillé pendant plus de 12 mois consécutifs pour le Canada, il ne s'agissait pas des bons 12 mois.