Comme il anticipait sans doute que l'OTAN pourrait de nouveau frapper à la porte du Canada dans trois ans, le premier ministre Stephen Harper a décidé d'informer dès hier le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Anders Fogh Rasmussen, que tous les soldats canadiens en Afghanistan seront rapatriés au plus tard en mars 2014.

En cédant à la pression de ses alliés, le gouvernement Harper a accepté, avec réticence, de maintenir en Afghanistan 950 soldats et membres du personnel de soutien afin de former les troupes afghanes pendant trois ans, dans la région de Kaboul, à partir de 2011. La mission de combat des 2900 soldats canadiens dans la région de Kandahar, province la plus dangereuse du pays, prendra toutefois fin comme prévu en juillet 2011.

 

Au premier jour du sommet de l'OTAN, M. Rasmussen a affirmé que l'objectif de confier aux forces afghanes la responsabilité d'assurer la sécurité de l'Afghanistan d'ici à 2014 est «réaliste» et «atteignable» même si la guerre contre les insurgés talibans est loin d'être gagnée.

Toutefois, il a ouvert toute grande la porte à ce que l'OTAN y maintienne des troupes au-delà de cet échéancier. «Je crois qu'il est réaliste que ce transfert sera terminé d'ici à 2014, mais nous prévoyons qu'il y aura encore une présence de troupes internationales après 2014 non pas dans une mission de combat, mais dans un rôle de soutien, y compris de formation et d'éducation des forces afghanes», a affirmé M. Rasmussen en conférence de presse.

M. Harper a profité de son tête-à-tête en matinée avec le secrétaire général, avant le début officiel du sommet, pour fermer la porte à double tour sur toute autre prolongation de la mission canadienne en Afghanistan.

«Le premier ministre a été catégorique durant sa rencontre. La mission de formation prend fin en mars 2014», a expliqué un proche collaborateur du premier ministre.

«Pas de flexibilité»

En soirée, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a tenu à réitérer la position du gouvernement canadien. «Non, il n'y a pas de flexibilité. Le premier ministre a été très clair. Nous sommes en Afghanistan jusqu'au mois de mars 2014», a dit le chef de la diplomatie canadienne.

Les pays membres de l'OTAN doivent adopter aujourd'hui, à l'occasion du sommet de Lisbonne, un plan visant à remettre graduellement la responsabilité de la sécurité de l'Afghanistan entre les mains des troupes afghanes d'ici à 2014.

Cette transition doit commencer au début de l'année 2011 dans une province qui n'a pas encore été déterminée, a expliqué un haut dirigeant de l'OTAN qui a requis l'anonymat. Elle se fera graduellement en commençant dans un district pour s'étendre à l'ensemble de la province. Le transfert de la responsabilité dans une région donnée s'étalera sur une période de 18 à 24 mois. Le Canada fera sa part pour permettre à l'OTAN d'atteindre cet objectif en maintenant 950 soldats et employés de soutien pour faire de la formation dans la région de Kaboul, capitale du pays.

Arrivé en matinée dans la capitale portugaise, le président des États-Unis, Barack Obama, a soutenu que l'Afghanistan ne sera pas abandonné à son sort en 2014 une fois que l'armée afghane aura l'entière responsabilité de la sécurité.

«Même si les réductions de troupes et la transition en question commencent en juillet prochain, l'OTAN comme les États-Unis vont pouvoir forger un partenariat durable avec l'Afghanistan de façon à ce qu'il soit clair qu'au moment où les Afghans prendront en main les opérations, ils ne seront pas abandonnés à eux-mêmes», a affirmé le président américain.

Dans le communiqué final qui doit être publié aujourd'hui, l'OTAN signifiera son intention de forger «un partenariat sur le long terme avec le régime Karzaï» et indiquera que l'OTAN est prêt à rester «aussi longtemps que nécessaire» dans le pays pour faire échec aux talibans.

L'échéancier de 2014 établi par l'Alliance atlantique, qui pourrait être retardé si la situation l'exige, coïncide avec la fin du deuxième mandat du président afghan Hamid Karzaï.

«L'année 2014 a été soulevée pour la première fois l'an dernier au cours de la prestation de serment du président Karzaï. C'était d'abord un objectif politique. Mais c'est maintenant notre objectif. C'est un objectif réaliste. C'est dans quatre ans et la situation peut évoluer. Mais c'est un objectif qu'on peut atteindre. Le président Karzaï veut obtenir la pleine souveraineté de son pays d'ici cette date. C'est l'héritage politique qu'il veut laisser», a affirmé le haut responsable de l'OTAN.

Des progrès, mais...

«Il ne faut toutefois pas se bercer d'illusions. Les progrès faits ne sont toujours pas irréversibles et il reste encore beaucoup de défis devant nous et peut-être même des reculs», a ajouté le haut responsable.

Des analystes du Pentagone, à Washington, croient toutefois qu'il est risqué d'établir un tel calendrier pour un pays comme l'Afghanistan. La France a aussi fait une mis en garde contre l'idée d'adopter un échéancier précis compte tenu de l'état actuel de la sécurité sur le terrain.

Le président Karzaï doit participer aujourd'hui à une séance portant sur la situation en Afghanistan. On s'attend à ce qu'il explique le plan de son gouvernement pour prendre graduellement la responsabilité de la sécurité de son pays. En tout, quelque 130 000 soldats issus des 28 membres de l'OTAN et de 20 autres pays se trouvent en Afghanistan.

Hier, les pays membres de l'OTAN ont adopté un nouveau «concept stratégique» visant à alléger et à moderniser la structure de l'Organisation. L'Alliance atlantique réaffirme ainsi sa mission première de défendre le territoire de ses membres mais soutient aussi qu'elle doit tenir compte de nouvelles menaces qui n'ont plus rien à voir avec la guerre froide: le terrorisme international, la prolifération des missiles balistiques et les attaques informatiques.