Si la nouvelle s'était ébruitée la semaine dernière, alors que le premier ministre Stephen Harper se trouvait à l'étranger, l'opposition n'avait pas pour autant oublié l'intention du gouvernement conservateur de prolonger la mission canadienne en Afghanistan. Tour à tour, libéraux, bloquistes et néo-démocrates ont exigé lundi de connaître le plan envisagé par Ottawa.

Mais dans les banquettes des conservateurs, on a répliqué que le plan n'avait pas encore été décidé.

À quatre jours de son départ pour le Sommet de l'OTAN à Lisbonne, au Portugal, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a martelé que l'avenir de la mission canadienne en Afghanistan était toujours à l'étude. Mais le gouvernement ne rompt pas avec la motion parlementaire qui prévoyait la fin de la mission militaire en 2011, a-t-il répliqué aux nombreuses questions de l'opposition sur le sujet.

«Le premier ministre a indiqué à l'occasion du discours du Trône qu'à partir de 2011, lorsque notre mission de combat sera terminée, nous allons continuer de déployer des efforts, tant du point de vue de la diplomatie que du point de vue du développement», a plaidé M. Cannon, en soutenant qu'une mission d'entraînement permettrait d'assurer «la poursuite des progrès réalisés par les Forces canadiennes» en Afghanistan.

«Nous sommes en train de procéder à l'examen de divers éléments et de diverses options. Lorsque nous serons en mesure de communiquer ces renseignements à nos collègues de la Chambre, nous le ferons», a tranché le ministre, qui a encaissé la douzaine de questions de l'opposition.

Mais l'opposition n'en croit rien, car selon elle le premier ministre arrivera sans aucun doute à Lisbonne armé d'un plan pour rassurer ses alliés, qui réclament depuis quelque temps un prolongement de la présence militaire canadienne en Afghanistan.

«C'est difficile de croire que le gouvernement n'a pas un plan avant d'aller à Lisbonne», a commenté le libéral Bob Rae, qui s'y est pris à deux reprises, avec son chef Michael Ignatieff, pour réclamer des réponses aux conservateurs.

M. Ignatieff a fini par accuser le ministre Cannon de «patiner comme un fou» en évitant de répondre aux questions avant le Sommet de l'OTAN. M. Cannon lui a répété que les réponses viendraient et a invité le chef libéral «à prendre son mal en patience».

Mais les partis d'opposition craignent d'être mis devant le fait accompli une fois que M. Harper sera en Europe.

Le NPD et le Bloc québécois croient que les Canadiens ont déjà fourni leur part de sacrifices dans cette mission, qui a coûté la vie à 152 militaires.

«C'est évident qu'on a besoin de la formation. Mais par nos troupes, ce n'est pas essentiel. Nous avons d'autres rôles que nous pouvons jouer après neuf ans avec un engagement extraordinaire», a soutenu le chef néo-démocrate, Jack Layton, en point de presse en matinée.

Le NPD et le Bloc estiment que la mission envisagée par Ottawa n'en sera pas uniquement une d'entraînement, puisque le pays est en guerre et que les soldats seront inévitablement en danger. Raison de plus, donc, pour connaître les détails de la mission envisagée par Ottawa; soit le nombre de soldats qui seront déployés et à quel endroit.

«C'est impossible de penser qu'on va laisser 600 à 1000 militaires sans que ces militaires-là soient appelés d'une façon ou d'une autre à participer à des opérations dans des zones de combat», a dénoncé le bloquiste Pierre Paquette, qui réclame, comme le NPD, que la mission devienne une mission civile.

Vendredi dernier, le premier ministre Harper a affirmé, depuis la Corée du Sud, qu'il n'était pas nécessaire de soumettre le prolongement de la mission afghane à un vote aux Communes, puisqu'il s'agira d'une mission d'entraînement et non plus de combat.

Un discours repris par son ministre, lundi, qui a cité le cas d'Haïti, où Ottawa a envoyé des soldats sans soumettre la mission humanitaire à un vote aux Communes.

Les conservateurs veulent maintenir des troupes en sol afghan au-delà de 2011, afin de poursuivre la formation de l'armée afghane. En vertu du plan qu'étudie actuellement le gouvernement, près d'un millier de militaires - dont environ 750 entraîneurs militaires - resteraient en Afghanistan jusqu'en 2014 dans la capitale Kaboul, loin des combats.

Le porte-parole principal du premier ministre a soutenu qu'en prolongeant sa mission d'entraînement, le Canada s'alignait avec les nouvelles cibles établies par les États-Unis et d'autres alliés, qui souhaitent que les Afghans soient seuls responsables de la sécurité dans leur pays dans quatre ans.

Le Parlement s'était toutefois entendu en 2008 pour que l'armée canadienne se retire du pays d'ici juillet 2011.

Si le NPD et le Bloc réclament à tout prix qu'un vote se tienne sur la question, les libéraux, eux, n'ont pas été aussi clairs. Le parti refuse de se prononcer tant qu'il n'aura pas vu les détails du plan étudié par les conservateurs.

Confronté à ce qu'il qualifie d'«accord secret» entre les conservateurs et les libéraux, le leader du NPD a néanmoins appelé, en point de presse, ses homologues des deux partis à laisser les parlementaires voter sur cette question.

Ni le NPD ni le Bloc n'auront l'occasion de réclamer eux-mêmes un vote d'ici le départ de M. Harper pour le Sommet de l'OTAN.

Reste donc aux conservateurs ou aux libéraux à prendre les choses en mains.

Les libéraux profiteront d'une journée d'opposition jeudi, mais il est peu probable qu'ils appellent les députés à voter sur le prolongement de la mission.

L'idée d'un prolongement de la mission à des fins d'entraînement avait d'abord été soulevée par M. Rae, en juin dernier, donnant ainsi l'appui du Parti libéral et «la permission» à M. Harper d'aller de l'avant, selon Jack Layton.