Si rien n'a encore été décidé quant à la possibilité que l'armée canadienne demeure plus longtemps en Afghanistan pour aider à l'entraînement, les troupes de Stephen Harper trancheront elles-mêmes et n'ont pas l'intention de consulter les partis d'opposition.

Le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique sont contre l'idée des conservateurs de prolonger la présence militaire canadienne en Afghanistan au-delà de 2011, et le Parti libéral refuse de se prononcer. Mais peu importe les appuis qu'il recevra, le gouvernement conservateur n'a pas l'intention de demander la permission à qui que ce soit.

La Presse Canadienne a appris dimanche que le gouvernement Harper envisageait de maintenir des centaines de soldats canadiens en Afghanistan jusqu'en 2014 dans un rôle non combattant.

Au lendemain de la nouvelle, le chef libéral Michael Ignatieff a refusé de se prononcer sur cette possibilité avant de voir une proposition concrète des conservateurs.

Tant et aussi longtemps que les troupes de Stephen Harper n'auront pas fourni les détails, M. Ignatieff ne veut pas indiquer s'il appuierait ou non l'idée de maintenir des troupes militaires en Afghanistan plus longtemps que prévu.

«Je n'ai rien à dire parce qu'il n'y a pas de projet», a répliqué le chef libéral aux questions des journalistes, lundi midi.

Michael Ignatieff a rappelé que son parti avait lui-même proposé, en juin, de laisser l'armée canadienne déployée plus longtemps à des fins d'entraînement. Mais lundi, il a refusé d'accorder de nouveau son appui à cette idée, en arguant qu'il voulait d'abord savoir combien de troupes seraient impliquées, dans quelle région, quel serait leur rôle ainsi que la mission qu'elles mèneraient.

«Les difficultés surgissent des menus détails. (...) C'est de l'amateurisme s'ils n'ont pas de réponses claires à ces questions», a argué le leader libéral.

Le Parlement s'est entendu pour que l'armée canadienne se retire d'Afghanistan d'ici la fin de l'année 2011. Mais les conservateurs considèrent maintenant prolonger la présence militaire dans ce pays.

En vertu du plan qu'étudie actuellement le gouvernement, un millier de militaires resteraient en Afghanistan au-delà de 2011, loin des combats, afin de former l'armée afghane.

Selon une source gouvernementale, environ 750 entraîneurs militaires resteraient en sol afghan un maximum de trois ans, accompagnés d'à peu près 200 personnes dans un rôle de soutien. Les Canadiens quitteraient tous la région de Kandahar en 2011 et ces derniers militaires seraient redirigés vraisemblablement vers la capitale afghane, Kaboul.

L'armée resterait donc en Afghanistan, mais dans un rôle d'aide, de développement et d'entraînement, a expliqué cette source.

Si le Bloc québécois et le NPD s'opposent fermement à toute présence militaire au-delà de l'an prochain, les trois partis d'opposition sont toutefois unanimes à l'effet que le gouvernement devrait présenter sa proposition aux Communes, afin qu'elle y soit débattue.

Mais au gouvernement, on réplique qu'il ne s'agit pas d'une mission de combat et que ce n'est donc pas nécessaire, ni prévu.

«Ce sera un rôle de combat et une mission d'entraînement au combat. (...) Que vous soyez à la base aérienne de Kandahar ou que vous soyez à Kaboul, ou peu importe où en Afghanistan, vous êtes dans un pays où il y a tout de même la guerre», a soutenu le néo-démocrate Jack Harris.

Vendredi dernier, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a appelé le porte-parole libéral en matière d'affaires étrangères, Bob Rae, qui a été le premier à soulever l'idée d'un rôle d'entraînement après 2011.

Refusant de préciser la nature de leurs propos, le leader libéral a nié qu'il s'agissait de négociations en coulisses.

«Ce n'est pas une question d'un «deal secret» avec les libéraux. Il n'y a pas de «deal', il n'y a pas de discussions. C'est une discussion ouverte avec les Canadiens que le gouvernement du Canada doit avoir», a plaidé M. Ignatieff, en tentant de renvoyer la balle dans le camp conservateur.

À son bureau, on a ajouté que la brève conversation téléphonique avait suscité plus de questions que de réponses.

Mais le coup de fil entre le ministre Cannon et M. Rae a été mal accueilli par le Bloc et le NPD. Avant de faire l'objet de discussions en privé, cette nouvelle étape de la mission afghane devrait être débattue aux Communes et ne pas être cachée aux Canadiens, ont dénoncé les deux partis.

D'autant plus que les troupes de Stephen Harper ont soulevé cette question sensible au tout début d'une semaine de relâche des travaux parlementaires, ont-ils déploré.

«Le militaire devrait être retiré complètement, après tout le travail qui a été fait et après tous les sacrifices qui ont été encaissés par ces militaires. C'est au tour d'un autre à prendre notre place», a réagi le bloquiste Claude Bachand, à l'instar de son collègue Jack Harris qui a quant à lui soulevé les coûts qu'engendrerait un tel prolongement de la mission.

Le premier ministre Harper pourrait toutefois se sentir pressé de prendre une décision quant à la date ultime de la fin de la mission militaire en Afghanistan, puisqu'il rencontrera ses alliés de l'OTAN la semaine prochaine à Lisbonne, au Portugal.

M. Harper subit des pressions de la part de certains membres de l'organisation - comme les États-Unis et le Royaume-Uni - et il pourrait souhaiter arriver au Sommet de l'OTAN avec une réponse à leurs demandes. Dans l'entourage du premier ministre, on a cependant nié cet empressement.