Frustré par ce qu'il juge depuis le début comme étant un processus de camouflage des conservateurs, le Nouveau Parti démocratique (NPD) dénonce le silence qui règne depuis la mise en place d'un comité chargé de se pencher sur les allégations de torture de détenus afghans.

Convaincus qu'ils n'obtiendront jamais réponses à leurs questions, les néo-démocrates ont une fois de plus réclamé la tenue d'une enquête publique sur le sujet, jeudi.

L'opposition tente depuis un an de faire la lumière sur des allégations de torture de détenus afghans capturés par l'armée canadienne et transférés aux autorités locales.

Après s'être battue pendant des mois contre le gouvernement conservateur pour pouvoir consulter des copies non censurées de documents contenant des informations sur le sujet, l'opposition s'est tournée vers le président de la Chambre, Peter Milliken, au printemps, qui a forcé la main des troupes de Stephen Harper.

À la demande du président Milliken, les conservateurs se sont entendus avec les libéraux et les bloquistes, en mai dernier, pour mettre sur pied un comité spécial formé d'un député de chaque parti chargé d'étudier les dossiers à huis clos. Le NPD s'est opposé à l'entente, en plaidant qu'elle ne permettrait pas de faire toute la lumière.

Or, le comité ad hoc a débuté ses travaux il y a trois mois et les parlementaires ne savent toujours rien des informations qu'ils ont dénichées, ont déploré les néo-démocrates, en point de presse jeudi.

«Avec l'aide des autres partis, le seul accomplissement du comité secret des conservateurs est de poursuivre l'opération de camouflage», a accusé le porte-parole du NPD en matière d'affaires étrangères, Paul Dewar.

«Il est temps qu'on ait une enquête publique avec laquelle des mains propres et des yeux objectifs en viendront à la vérité», a-t-il plaidé.

Or, conservateurs, libéraux et bloquistes ont tous rétorqué que le NPD revenait sur le sujet parce qu'il est mécontent de ne pas prendre part au mécanisme mis en place pour étudier les dits documents.

«Nous avons mis en place un processus cet été qui est transparent, avec une révision judiciaire. Je comprends que le NPD est maintenant un peu frustré puisqu'il n'a pas participé. Ils n'ont personne d'autre à blâmer qu'eux-mêmes», a lancé en Chambre le ministre de la Justice, Rob Nicholson, aux néo-démocrates.

Les conservateurs plaident depuis un an qu'ils ne peuvent dévoiler toute l'information sans en évaluer les répercussions auparavant, car ils doivent protéger la sécurité nationale. Le comité spécial se rencontre ainsi à huis clos, dans un endroit secret, et ses membres ont dû prêter serment pour assurer qu'ils ne dévoileraient rien du contenu des documents qu'ils consulteront.

Une préoccupation que comprend bien le NPD, a répliqué M. Dewar. «Mais on ne veut pas être complices d'une opération de camouflage des conservateurs», a-t-il tranché, lorsque questionné à ce sujet pendant son point de presse.

Ceux qui participent aux rencontres ont toutefois argué que le processus suivait son cours et qu'aucun document n'avait été rendu public jusqu'ici, car il faut le temps qu'il faut pour éplucher des milliers de pages portant sur un enjeu sérieux.

Le comité ad hoc, qui compte un député conservateur, libéral et bloquiste, a été mis sur pied au début de l'été. Un panel d'experts juristes s'est joint à eux quelques semaines plus tard, chargé de déterminer la part des informations qui pourra être remise aux parlementaires et sous quelle forme.

Or, à en croire les réponses des partis qui participent aux rencontres, il semble que ce soit ces spécialistes qui retardent le mécanisme.

«Leur effort est plus lent que ce à quoi nous nous attendions», a reconnu le chef adjoint du Parti libéral, Ralph Goodale, à sa sortie des Communes.

«Mais honnêtement, cela semble indiquer, selon moi, que jusqu'à maintenant ils ont traité la question avec un grand sérieux», a-t-il tenté de justifier, tout en disant espérer que les parlementaires puissent voir des résultats cet automne.

Libéraux et bloquistes ont assuré que chacun travaillait de bonne foi.

«Mes deux députés (nommés au comité) m'ont dit qu'il y avait du bon travail qui se faisait là. Le NPD a fait une erreur en n'y allant pas et maintenant tente de corriger le tir», a réagi le leader du Bloc québécois, Gilles Duceppe.

Outre les informations qui pourraient se retrouver dans les documents, le NPD souligne qu'il faut surtout déterminer si le Canada a enfreint ses obligations en matière de droit international, car le fait d'exposer des détenus à un risque de torture y contrevient.

Et pour ce faire, il faut que des personnes extérieures se penchent sur la question, car les parlementaires pourraient être influencés par la participation possible de leur parti aux événements, a argué le porte-parole du NPD en matière de défense, Jack Harris.