Les statistiques sur les détenus afghans transférés par l'armée canadienne, rendues publiques cette semaine, confirment certaines des allégations du diplomate Richard Colvin, soutient l'opposition à Ottawa.

Devant le comité spécial sur l'Afghanistan, à l'automne 2009, l'ancien numéro 2 du Canada en Afghanistan a mis le feu aux poudres dans le débat sur le transfert des prisonniers afghans, alléguant que le gouvernement s'était rendu complice de la torture en omettant d'assurer le suivi de ces détenus.

Mercredi, l'armée canadienne a publié les statistiques - réclamées depuis quatre ans par l'opposition - sur les détenus capturés et transférés, entre 2001 et 2008, en Afghanistan. On y apprend notamment que le Canada a détenu 439 individus, qu'il en a libéré 153 et transféré 283, dont plus de 240 aux autorités afghanes. La Défense nationale avait toujours refusé de dévoiler ces chiffres, alléguant des risques pour la sécurité des soldats sur le terrain. M. Colvin avait toujours jugé cet argument fallacieux.

«C'est bizarre qu'au moment où la mission va s'achever, soudainement, il n'y a plus de danger, les préoccupations de sécurité opérationnelle se sont évanouies, a jugé le critique du Bloc québécois en matière de défense, Claude Bachand. Ça vient confirmer les dires de M. Colvin. Dans le fond, on se servait du concept de sécurité opérationnelle pour cacher les faits à la Croix-Rouge, à l'OTAN et aux Canadiens.»

En Chambre, le ministre de la Défense nationale, Peter MacKay, a tenté d'expliquer cette volte-face de l'armée canadienne. «Après examen, nous avons convenu que les risques pour la sécurité opérationnelle sont maintenant minimaux, tant que l'information est retenue par les Forces canadiennes pendant au moins 12 mois avant d'être divulguée, a souligné M. MacKay. Ainsi, ça élimine la valeur de quelconque information que les insurgés talibans pourraient utiliser au détriment de nos soldats.»

Le porte-parole libéral en affaires étrangères, Bob Rae, s'est aussi réjoui de la nouvelle transparence des forces armées canadiennes.

«Nous avons critiqué l'approche du gouvernement comme étant trop secrète et je suis heureux que, finalement, il ait décidé de dévoiler l'information, a-t-il souligné. Ils ont pensé que ça pourrait mettre en danger ou compromettre le travail de nos soldats et je crois que c'est clair que ce n'est pas le cas.»

Mais pour le NPD, les mêmes questions demeurent: qu'est-il arrivé aux prisonniers transférés avant mai 2007, date d'entrée en vigueur d'un protocole d'entente assurant un suivi? Comment les détenus ont-ils été traités?

«Nous ne faisions aucune surveillance. Nous n'avions aucune façon de savoir ce qui leur arrivait, a expliqué le député néo-démocrate Jack Harris. C'est le genre de chose qui, clairement, selon moi, entre en contradiction avec les obligations internationales du Canada de protéger les prisonniers capturés dans ces circonstances.»

Selon M. Harris, le nombre élevé de détenus libérés, dévoilé dans les statistiques, indique aussi que les militaires canadiens n'appréhendaient pas seulement des terroristes, comme ont souvent soutenu les membres du cabinet conservateur. Un autre argument qui vient appuyer les propos controversés de M. Colvin, selon qui de nombreux innocents étaient faits prisonniers et souvent transférés aux autorités afghanes.