Les députés libéraux ont peut-être signé une entente avec le gouvernement conservateur et le Bloc québécois afin de permettre la consultation de documents sur le traitement des détenus afghans, mais le chef libéral, Michael Ignatieff, n'est pas convaincu que le comité qui sera mis sur pied pour se faire pourra consulter tous les dossiers réclamés.

En point de presse, jeudi, pour faire le bilan de la session parlementaire quelques heures avant la fin des travaux, M. Ignatieff a dit douté que l'accord entre les trois partis offre les résultats espérés.

L'opposition réclame depuis l'automne de voir des documents portant sur le sort qui a été réservé aux détenus afghans transférés par le Canada aux autorités afghanes, afin de faire la lumière sur les allégations de torture dans ce pays.

Conservateurs, libéraux et bloquistes en sont venus à une entente de dernière minute, mardi, pour mettre sur pied un comité restreint qui étudierait le contenu des documents, avec l'aide d'un panel d'experts juristes chargés de trancher quelles informations pourraient être rendues publiques, et sous quelle forme, sans mettre en péril la sécurité nationale.

L'entente, qui a été signée par les trois chefs et déposée aux Communes mercredi, a d'ailleurs été acceptée par le président de la Chambre, Peter Milliken, à peine quelques heures après la sortie du leader libéral.

Satisfait du consensus obtenu, M. Milliken a statué, jeudi après-midi, que la question était donc close.

Au moment de son point de presse, à midi, M. Ignatieff a toutefois émis des doutes quant aux résultats que pourra atteindre le comité chargé d'étudier les dossiers cet été. Car il reste à voir si le député qui y représentera le Parti conservateur agira de bonne foi et si le travail sera accompli.

«Ceci est un comité sur les documents qui doit obtenir tous les documents», a soutenu le chef du Parti libéral.

«Je ne suis pas convaincu que c'est possible d'avoir des résultats sur ce comité sur les documents. Ça dépend du travail, ça dépend de la bonne foi des autres, ça dépend du gouvernement, ça dépend de leur participation de bonne foi. S'il y en a, on peut faire du progrès», a-t-il indiqué.

Et le Parti libéral n'acceptera pas de la mauvaise foi de la part des conservateurs, a tranché M. Ignatieff, qui a apposé sa signature à l'accord aux côtés de celles du premier ministre, Stephen Harper, et du chef du Bloc, Gilles Duceppe.

Le leader du Nouveau Parti démocratique (NPD), lui, n'a pas signé l'entente, déplorant qu'elle ne permette pas la consultation de la totalité des documents nécessaires à l'opposition pour faire enquête sur ce que savait le gouvernement quant aux risques de torture en Afghanistan.

Les doutes exprimés par le chef libéral semblent donc faire écho à ceux de son homologue néo-démocrate, Jack Layton, qui a d'ailleurs été amusé par les propos de M. Ignatieff.

«Pourquoi il a signé un document s'il n'a pas confiance qu'on va accomplir des résultats? Nous sommes sûrs que le document comme écrit va prévenir certains documents clés d'être disponibles aux députés, alors ça va empêcher l'accès à la vérité», a réitéré M. Layton.

En vertu de l'accord, certains documents pourraient être cachés au comité spécial, s'il faut protéger la confidentialité des discussions tenues au conseil des ministres ou le privilège entre avocat et client, dans le cas des avis juridiques offerts au gouvernement. Ces dossiers seront présentés au panel d'experts juristes, qui fourniront l'information contenue sous forme de résumé, sans briser le secret.

Du côté du Bloc québécois, Gilles Duceppe a invité le chef libéral à demander à ses députés qui ont mené les négociations avec les trois autres partis de lui expliquer l'entente, car celle-ci est rédigée de façon à s'assurer que les conservateurs n'aient pas carte blanche.

«Il ne s'agit pas de faire confiance à la bonne foi des conservateurs, il s'agit de faire confiance à l'entente qui est signée. On a tout ce qu'il faut pour les forcer», a défendu le chef bloquiste.

Frustré de l'issue des pourparlers, le député du NPD Jack Harris avait appelé en début de semaine le président de la Chambre à juger si ses privilèges de parlementaire avaient été brimés par le texte signé par les trois autres partis. Car l'accord ne permettra pas aux élus d'obliger le gouvernement à rendre des comptes au Parlement, selon M. Harris.

Mais la décision du président Milliken d'accepter le consensus des trois autres partis a clos le dossier, pour le moment. Si au retour des vacances estivales les députés jugent que le processus n'a pas fonctionné, M. Milliken accueillera de nouveau leurs plaintes, a-t-il annoncé.