À 24 heures de l'échéance fixée par le président de la Chambre, qui a ordonné aux partis fédéraux de s'entendre d'ici mardi sur la consultation de documents sur les détenus afghans, les négociations en sont toujours au même point et un règlement d'ici là semble plus qu'improbable.

Les partis d'opposition ont reconnu, à leur sortie des Communes lundi, que les discussions ne s'étaient pas poursuivies, depuis leur dernière rencontre avec le gouvernement jeudi dernier. Ce qui leur fait craindre que le gouvernement conservateur ne cherche pas une solution aussi activement qu'il le prétend publiquement.

«Il faut toujours espérer que l'autre partie est de bonne foi, jusqu'à preuve du contraire», a affirmé le chef bloquiste, Gilles Duceppe.

«Maintenant, ça avance moins vite qu'on pensait que ça aurait pu avancer», a-t-il poursuivi.

Une déception partagée par le député néo-démocrate Jack Harris, qui s'est dit étonné qu'aucune rencontre n'ait été prévue avant mardi matin, soit à la dernière minute selon lui.

Si le gouvernement et l'opposition plaidaient que tous étaient de bonne foi depuis le début de ces négociations, aucune discussion n'a eu lieu au cours de la fin de semaine ni lundi. Et ce sont les conservateurs qui n'étaient pas disponibles avant mardi matin, a précisé l'opposition.

Les partis devront donc se contenter d'une quatrième rencontre en deux semaines au matin même de la date butoir fixée par le président de la Chambre des communes, Peter Milliken.

«C'est long. Le gouvernement avait dit (au début de la semaine dernière) qu'ils (les conservateurs) espéraient un règlement d'ici vendredi dernier. Ce sentiment d'urgence n'était définitivement plus là après la rencontre de jeudi», a souligné M. Harris, porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de défense.

Au bureau du ministre de la Justice, Rob Nicholson, on a répliqué que les horaires des députés, et surtout des ministres, étaient très chargés. Le gouvernement demeure disponible pour mener des «discussions avec l'opposition, et cela a été fait de bonne foi et dans un esprit d'ouverture», a-t-on fait valoir.

Les quatre partis avaient convenu, jeudi, qu'un comité de députés assermentés étudierait les documents à huis clos, ce que réclame l'opposition depuis l'automne afin de faire la lumière sur le sort qui a été réservé aux détenus transférés par le Canada aux autorités afghanes.

Reste cependant à régler ce qu'il adviendra si le groupe ne s'entend pas sur les informations qui pourront être divulguées aux parlementaires ou publiquement. Il faut aussi définir la notion de sécurité nationale, pour décider dès maintenant ce qui devrait rester secret.

Dans une décision historique rendue il y a deux semaines, M. Milliken donnait raison à l'opposition, qui réclame d'avoir accès à des copies non censurées de documents afin de déterminer si les détenus transférés par l'armée canadienne ont été envoyés dans des prisons où ils risquaient la torture.

M. Milliken a lancé un ultimatum aux parlementaires, qui doivent s'entendre d'ici mardi sur un mécanisme qui permettrait aux députés de consulter les dossiers, tout en s'assurant de protéger les informations confidentielles qui s'y trouvent et la sécurité nationale.

Le gouvernement insiste depuis le début de cette affaire pour protéger coûte que coûte les renseignements, plaidant qu'il doit protéger la sécurité du pays et respecter ses obligations internationales envers ses alliés.

Jeudi dernier, l'opposition et le gouvernement ont laissé planer l'idée de demander la collaboration du président Milliken, s'ils approchent d'une entente mais que les quatre partis ont besoin d'un délai au-delà de mardi.

Il faudra toutefois qu'une solution semble à portée de main et qu'il y ait des «progrès considérables» lors des pourparlers mardi matin, a précisé M. Harris.

Et si ce n'est pas le cas, le député sera prêt, le jour même, à présenter une motion visant à accuser le gouvernement d'outrage au Parlement. Cette procédure pourrait se solder ultimement par une élection, si les conservateurs le souhaitent.

La conclusion d'une entente dès mardi paraît par ailleurs d'autant plus incertaine que l'opposition semble elle-même divisée.

Le leader bloquiste avait annoncé aux journalistes, à sa sortie des Communes, que les trois partis d'opposition se réuniraient, en fin de journée, afin de discuter d'un front commun à amener à la table de négociations mardi matin.

Quelques minutes plus tard, la réunion a cependant été annulée. Les libéraux et les néo-démocrates n'ont pas apprécié cette sortie de M. Duceppe, craignant de donner l'impression d'une alliance face aux conservateurs et d'ainsi nuire aux négociations.