Ils appellent la région «l'enfer vert». Sans grande surprise, c'est aussi le nom qu'avaient donné les Soviétiques au district de Zhari, une zone de végétation dense, parfois marécageuse, qui s'étire au nord-ouest de la ville de Kandahar.

Les soldats américains qui patrouillent la région ont adopté le surnom. Depuis qu'ils ont remplacé les troupes canadiennes, aussi bien dans Zhari que dans le district voisin d'Arghandab, les Américains ont subi des pertes importantes -19 morts et 51 blessés depuis le début décembre.

En comparaison, neuf soldats canadiens et un civil ont péri pendant la même période.

Les pertes américaines sont survenues sous commandement canadien et si elles sont passées essentiellement inaperçues au Canada, elles inquiètent les commandants de l'OTAN qui se préparent à une offensive estivale dans la région de Kandahar.

Un officier américain en poste dans la région, et qui a déjà servi en Irak, affirme que certains des insurgés afghans sont plus redoutables que leurs confrères irakiens.

«En Irak c'était beaucoup une question d'argent et de pouvoir, a dit le capitaine Duke Reim. Ici, c'est davantage une guerre religieuse, peut-être même fanatique, (mais) j'hésite à utiliser le mot fanatique.»

Le district de Zhari se retrouve d'une certaine manière au coeur même de l'insurrection talibane. C'est ici que le mollah Omar, le chef des talibans, est né et a commencé à prêcher. C'est un recoin conservateur du sud de l'Afghanistan, où les insurgés ont récemment mis des mois à creuser patiemment sous l'autoroute des tunnels qu'ils ont ensuite bourrés d'explosifs.

Le général canadien Daniel Ménard dit que le nombre élevé de pertes américaines le dérange, tout comme le fait que ces pertes semblent passer inaperçues au Canada.

«Je crois qu'il est important pour le public de réaliser que les Américains meurent ici autant que les Canadiens, mais aussi qu'ils meurent sous commandement canadien, aux côtés de soldats canadiens», a-t-il dit.

Deux responsables de l'OTAN ont indiqué, mardi, que ces pertes sont «alarmantes» et «inquiétantes».

Le major américain Todd Clark, récemment arrivé dans la région, croit toutefois que les soldats américains ont beaucoup à apprendre de leurs collègues canadiens, qui ont su s'imprégner de la culture locale.

«Si nous ne les écoutons pas, a-t-il dit, nous nous dirigeons tout droit vers un échec.»