Le comité spécial sur l'Afghanistan, à la Chambre des communes, pourrait bien délaisser prochainement l'épineux dossier des détenus afghans pour se pencher plutôt sur la question du retrait des troupes canadiennes d'Afghanistan, en 2011.

Le débat sur le transfert des prisonniers capturés par les soldats canadiens en Afghanistan fait rage depuis novembre dernier, alors que le diplomate Richard Colvin a mis le feu aux poudres, affirmant que le gouvernement canadien savait qu'il envoyait des détenus se faire torturer.

Après six mois d'auditions de témoins - interrompus par trois mois de prorogation - et des demandes répétées de l'opposition pour tenir une enquête publique, ou à tout le moins avoir accès aux documents, non censurés, cités par M. Colvin, le député conservateur d'Edmonton-Centre, Laurie Hawn, juge qu'il est temps de passer à autre chose et de mettre fin à «la chasse aux sorcières».

«Nous avons passé beaucoup de temps sur la question des détenus afghans. La Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire se penche sur la question. Me (Frank) Iacobucci fait la révision des documents. Il y a plusieurs personnes qui étudient le dossier, a dit M. Hawn. Je crois que ce que les gens veulent maintenant, c'est qu'on se penche sur ce qui est vraiment important pour notre pays, pour nos soldats et pour la population afghane.»

M. Hawn a donc déposé une motion au comité, mercredi dernier, pour que les membres se penchent «sans tarder» sur les préparatifs concernant le retrait des troupes d'Afghanistan, en 2011, et sur les projets du gouvernement canadien pour la suite. «C'est très important. Nos alliés, nos soldats veulent savoir ce qui les attend, a souligné M. Hawn. Les militaires préparent le plan de retrait. Ça les aiderait si nous pouvions leur donner des directives précises et définitives.»

Appui des libéraux

Ce n'est pas la première fois que les conservateurs tentent de mettre le couvercle sur la marmite du bouillant dossier des détenus afghans. M. Hawn a présenté une motion presque identique en mars, au retour des travaux après la prorogation du Parlement. Mais cette fois-ci, la motion de M. Hawn risque fort bien d'être adoptée, ayant reçu l'appui des libéraux.

«Je suis en faveur, à condition qu'on ne laisse pas tomber les détenus afghans, a expliqué le critique libéral en matière d'affaires étrangères, Bob Rae. Je crois que c'est important que nous discutions de l'avenir. Il est nécessaire d'entendre quel est le plan du gouvernement. Le temps presse.»

M. Rae estime que le comité pourrait doubler son nombre de séances par semaine, et ainsi étudier les deux dossiers de front.

Mais selon le NPD et le Bloc québécois, la motion n'est qu'une tentative des conservateurs de mettre fin à un débat qui les embarrasse.

«Il n'y a aucune urgence à commencer à parler de ce qu'on va faire en Afghanistan après 2011, a rétorqué le député néo-démocrate Jack Harris. Les troupes commencent à partir le 30 juin 2011. Le plan de retrait a été présenté au comité de la défense l'automne dernier par le chef d'état-major, Walt Natynchuk. L'échéancier est clair et précis.»

«Nous sommes tous intéressés à parler du rôle que jouera le Canada en Afghanistan après 2011, a ajouté M. Harris. Mais la réalité est que le dossier des détenus afghans est plus urgent, étant donné que le gouvernement refuse de tenir une enquête publique et qu'il tente de faire cesser les travaux à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire.»

Le porte-parole en matière de défense nationale du Bloc québécois, Claude Bachand, n'a pour sa part pas d'objection à étudier l'après-2011 en comité, mais il craint que cela n'occulte le dossier des détenus afghans, qui est loin d'être clos, selon lui.

«Finissons le dossier des prisonniers afghans et entreprenons l'étude de 2011 par la suite», a souligné le bloquiste.

M. Harris et M. Bachand rappellent aussi que le président de la Chambre des communes, Peter Milliken, doit sous peu rendre une décision qui pourrait relancer le débat.

Le mois dernier, le NPD a soulevé en Chambre une question de privilège, accusant le gouvernement de s'être placé en outrage au Parlement en refusant de divulguer les documents non censurés sur les détenus afghans.

M. Milliken doit déterminer s'il s'agit ou non d'une question de privilège, après quoi, si c'est le cas, les parlementaires débattront pour savoir s'il y a outrage ou non.

 

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Transfert des responsabilités cette année

L'OTAN a accepté hier de lancer le transfert des responsabilités aux autorités afghanes cette année, a annoncé son secrétaire général Anders Fogh Rasmussen, un processus qui permettrait aux États-Unis de commencer à retirer leurs troupes en juillet 2011. Lors d'une réunion en Estonie, les ministres des Affaires étrangères de l'Alliance atlantique se sont mis d'accord pour créer les conditions d'un transfert des responsabilités aux Afghans. Il n'a pas précisé quelles pourraient être ces conditions. L'accord doit encore être approuvé par le gouvernement afghan, qui devrait donner son aval au cours d'une conférence internationale sur l'Afghanistan à Kaboul en juillet. - AP