Le chef d'état-major de la Défense canadienne a affirmé que ses soldats n'ont pas abattu un Afghan non armé lors d'une opération nocturne à Kandahar, il y a presque trois ans.

Dans une lettre dévoilée tard vendredi soir à Ottawa, le général Walter Natynczyk a nié les troublantes allégations avancées par un ancien interprète militaire, cette semaine, devant un comité spécial de la Chambre des communes sur la mission canadienne en Afghanistan.

«Je vous écris aujourd'hui pour vous communiquer des faits à la suite des accusations portées par M. Ahmadshah Malgarai dans son témoignage du 14 avril 2010 devant le Comité», annonce le général Natynczyk dans sa missive acheminée à Kevin Sorenson, président du Comité.

«Ces accusations, dont la plus flagrante est qu'un soldat canadien aurait tiré illégalement sur quelqu'un et l'aurait tué en 2007, sont en train d'être examinées par les Forces canadiennes», précise-t-il ensuite.

Ahmadshah Malgarai a déclaré que des soldats canadiens ont tué un jeune homme de 17 ans d'une balle derrière la tête lors d'une opération militaire, et qu'ils ont ensuite tenté d'étouffer l'affaire.

Il a également prétendu que l'armée canadienne a maintes fois livré des détenus qui auraient ensuite été victimes d'actes de torture dans le but de leur soutirer de l'information.

Mais le chef d'état-major soutient que l'opération en question, qui remonte aux 18 et 19 juin 2007, ne s'est pas déroulée de la façon relatée par l'interprète.

Selon le général Natynczyk, une opération dirigée par le Canada et appuyée par les forces afghanes et celles de la coalition a été lancée dans un complexe où l'on fabriquait des engins explosifs.

«On soupçonnait que ce complexe servirait à lancer des attaques à la roquette contre le terrain d'aviation de Kandahar ainsi qu'à fabriquer des engins explosifs qu'on utiliserait contre les soldats canadiens et ceux de la coalition», explique le général, tout en ajoutant que les détails de l'événement sont parfaitement documentés.

Or, a-t-il relaté, quelqu'un a posé, au cours de la mission, une menace directe et imminente pour les soldats canadiens qui pénétraient dans le complexe.

«Un tireur qui appuyait l'opération l'a repéré, a estimé qu'il présentait une menace et a tiré sur lui. Son action était conforme aux règles d'engagement et a sauvé, cette nuit la vie de militaires canadiens. La personne en question était armée et n'avait jamais été détenue», a aussi affirmé le général Natynczyk.

M. Malgarai a reconnu, lors de son témoignage, que les informations qu'il possédait étaient de l'ordre du ouï-dire.

Au cours de l'opération, note le général, dix Afghans ont été faits prisonniers, dont neuf portaient sur eux des résidus d'explosifs.

«Au cours de l'interrogatoire tactique des détenus, relate le général Natynczyk, deux personnes ont allégué que les forces de la coalition avaient placé un pistolet sur l'insurgé décédé. Il convient de noter que l'une d'elles s'est par la suite rétractée.»

Les dix prisonniers ont ensuite été transférés à la Direction de la sécurité nationale (DSN) pour laisser aux autorités afghanes le soin de déterminer si des poursuites au criminel étaient justifiées.

Les Forces canadiennes ne dévoileront pas les rapports de l'opération, «car ils contiennent des informations de nature délicate sur les tactiques, les techniques et les procédures utilisées», confie le général dans sa lettre.

À la suite du témoignage de M. Malgarai, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes procède à une évaluation.

«Et nous invitons quiconque est en possession de renseignements pertinents à l'événement à se manifester et à faire une déclaration sous serment», écrit le chef d'état-major.

M. Malgarai, qui a passé 13 mois à Kandahar, a dit avoir vu des agents du renseignement militaire canadien livrer des détenus à la DSN «lorsque les détenus ne disaient pas ce qu'ils s'attendaient à entendre».

Il a dit: «si l'interrogateur (canadien) pensait qu'un détenu mentait, les militaires l'envoyaient à la DSN pour plus de questions, à la méthode afghane. Traduction: abus et torture.»

Et il a conclu que «les militaires utilisaient la DSN à titre de sous-traitants pour l'abus et la torture».

Ces allégations ont provoqué une nouvelle tempête politique à la Chambre des communes, où les députés de l'Opposition ont exigé une enquête publique.

Mais le général Natynczyk n'en voit pas l'utilité.

«Les Forces canadiennes ne transfèrent personne à des fins de collecte d'information», a-t-il affirmé.