Les soldats canadiens déployés en Afghanistan ne font pas que combattre les talibans. Ils affrontent aussi des inflammations, virus, maux de tête, troubles psychologiques et pathologies de toutes sortes.

En fait, du début de la mission canadienne, en janvier 2002, jusqu'au 10 février dernier, les Forces ont dépensé près de 178,8 millions de dollars pour l'achat de médicaments, selon des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Tous ces produits pharmaceutiques ne servent pas uniquement aux militaires. Ils peuvent être administrés aux fonctionnaires canadiens, aux fournisseurs civils ou encore à des Afghans et des soldats d'autres pays hospitalisés à la base de Kandahar lorsque le Canada est responsable de l'établissement.

Les Forces canadiennes nous ont fait parvenir un tableau de 20 pages où sont détaillés tous les types de médicaments (plus de 600) employés en Afghanistan, la quantité distribuée par année et les coûts totaux pour chacun d'eux.

Dans cette liste, il y a de tout. Des mers d'antibiotiques, des analgésiques, des antifongiques, des vitamines, des relaxants musculaires, des stéroïdes utilisés comme anti-inflammatoires, des médicaments contre l'asthme, des vaccins, des laxatifs, des minéraux, des anesthésiques, alouette!

D'autres reçoivent des médicaments pour combattre le VIH, la dysfonction érectile, pour l'hormonothérapie ou pour cesser de fumer.

«Les problèmes de santé que l'on rencontre le plus là-bas ne sont pas différents de ceux qui surviennent ici, dit le lieutenant-colonel Andrew Downes, médecin rattaché au Service de santé des Forces. Il y a des blessures mineures, des problèmes de dos, gastrointestinaux, etc.»

Les médicaments contre le VIH sont administrés à des personnes souffrant du sida et à celles ayant été exposées directement au sang d'autres personnes.

Et la dysfonction érectile? «Ces médicaments sont distribués aux hommes qui s'apprêtent à revenir à la maison», précise le pharmacien. Durant leur temps en théâtre, les militaires n'ont pas le droit d'avoir des relations sexuelles.

Plusieurs types d'antidépresseurs se retrouvent aussi dans la liste remise. C'est le cas de l'amitriptyline (coût total de 79 000 $), d'amphétamines pour contrer les déficits d'attention (11 000 $), du clonazépam (46 700 $) et bien d'autres.

Incontournable cipro

L'antibiotique cipro (ciprofloxacin) est de loin le médicament le plus utilisé, si on s'en tient aux coûts associés à celui-ci. Depuis le début de la mission, les Forces ont envoyé 682 600 cachets de 500 milligrammes là-bas, pour une valeur de 23,9 millions de dollars.

Le cipro est un antibiotique à large spectre. «Il combat des infections imputables à des souches de micro-organismes sensibles, rappelle Hélène Bisson, du Groupe Jean Coutu, après consultations auprès de pharmaciens. Ça peut traiter toutes sortes de choses: infections aux voies respiratoires, bronchites chroniques, pneumonies, blessures mal guéries, infections dues à l'eau potable, etc.»

Professeur titulaire à la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal, Jean-Louis Brazier estime qu'il est logique qu'une assignation dans un pays étranger se traduise par l'usage de nouveaux médicaments. «Il faut prendre en compte la situation géographique et le travail que font les soldats. Ce n'est plus du tout la même situation que lorsqu'ils sont en caserne», dit-il.

Une hausse exponentielle

Il y a deux ans, en avril 2008, La Presse avait publié un article révélant que depuis le début de la mission canadienne en Afghanistan, les coûts des achats totaux de médicaments dans les Forces avaient triplé. Ils étaient passés de 11,6 millions de dollars en 2000-2001 à 31,8 millions en 2005-2006.

Quelques semaines plus tard, le Journal de Montréal faisait aussi état d'une consommation importante d'antidépresseurs et de somnifères par les militaires canadiens déployés dans ce pays.

Jusqu'en décembre 2009, les Forces canadiennes avaient deux pharmaciens déployés en théâtre. Ce nombre a été ramené à un seul après que les Américains eurent pris la responsabilité de l'hôpital de l'aérodrome de Kandahar.

- Avec la collaboration de William Leclerc