Le mandat de l'ancien juge de la Cour suprême Frank Iacobucci, chargé de revoir l'ensemble des documents concernant les détenus afghans, pourrait durer «au moins deux ans», selon l'avocat Paul Champ, d'Amnistie internationale (AI).

Devant le comité ad hoc sur la mission canadienne en Afghanistan, Me Champ a déclaré que la décision du gouvernement de nommer un expert indépendant dans le dossier de la divulgation de documents confidentiels est vaine vu la quantité d'information à analyser et la lourdeur du processus.

 

«Je ne sais pas quelle utilité ça aura dans deux ans. Beaucoup de choses auront changé d'ici là, notamment parce que le Canada ne sera plus sur le terrain des opérations militaires», a souligné l'avocat d'AI. Le contrat de l'ancien juge Iacobucci ne précise pas combien de temps lui est alloué pour accomplir son travail - seulement qu'il sera rémunéré au taux de 600$ l'heure.

Les trois partis de l'opposition à Ottawa réclament depuis le mois de novembre les documents cités devant le comité par le diplomate Richard Colvin, qui prétend que le gouvernement fédéral savait que les prisonniers remis aux autorités afghanes risquaient d'être maltraités.

Promesse d'un nouveau centre

Hier, le Globe and Mail a parlé du fait que le Canada avait promis de bâtir un centre de détention où seraient gardés les prisonniers afghans sans risque qu'ils soient maltraités - une promesse qu'il n'a jamais tenue.

«Pour moi, c'est un peu un aveu que le Canada savait qu'il y avait des risques de torture», a déclaré le député du Bloc québécois, Claude Bachand, au comité sur la mission en Afghanistan.

En Chambre, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a rétorqué que le projet de construire une prison venait de la Grande-Bretagne.

Il a assuré que les services secrets afghans respectent la nouvelle entente de transfert, notamment en limitant le nombre de prisons où sont détenus les prisonniers que leur remet le Canada, pour assurer un meilleur suivi.

Les documents cités par le Globe and Mail affirment toutefois que le Canada, comme la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, aurait accepté d'aviser les autorités à l'avance lorsque des visites sont prévues aux centres de détention, faute de quoi les autorités menaçaient de mettre fin à ces visites. Le ministre Cannon a réfuté ces allégations.

«Nous ne donnons pas de préavis. C'est exactement l'entente qui a été négociée, a-t-il assuré. Au-delà de 210 visites ont été faites sans préavis.»

Mais selon Paul Champ, il est très clair que le gouvernement afghan ne respecte pas cette entente et que les risques demeurent très élevés que des détenus transférés par le Canada soient toujours, à l'heure actuelle, victimes de torture.

«Les Britanniques ont arrêté (en juin 2009) d'envoyer des détenus dans des prisons où nous continuons de le faire en ce moment. Je ne sais pas comment on peut s'en sortir et dire qu'il n'y a pas de risque de torture si les Britanniques croient le contraire», a dit Me Champ.

De nombreux rapports, dont un publié par le département d'État américain la semaine dernière, soutiennent que la torture est toujours une pratique courante dans les prisons afghanes, a-t-il ajouté.