Trois ministres et un haut fonctionnaire du gouvernement fédéral ont rencontré le dirigeant de la Croix-Rouge internationale à l'automne 2006, alors que l'organisation humanitaire tentait de prévenir le Canada au sujet des mauvais traitements que recevaient apparemment des détenus dans les prisons afghanes, a appris La Presse Canadienne.

En raison du secret diplomatique, on ignore ce que Jakob Kellenberger a précisément dit à Peter MacKay, Gordon O'Connor, Stockwell Day et Robert Greenhill, alors président de l'Agence canadienne de développement internationale (ACDI), lors de rencontres ayant eu lieu le 26 septembre 2006.

M. MacKay était à l'époque ministre des Affaires étrangères, M. O'Connor était à la tête du ministère de la Défense nationale, et M. Day était ministre de la Sécurité publique, chargé de superviser les travailleurs du Service correctionnel du Canada en poste à Kandahar.

Un mois plus tard, le bureau du ministre MacKay a rédigé un rapport faisant état des préoccupations de la Croix-Rouge.

Le contenu exact du rapport, au nombre des milliers de documents sur lesquels se penche la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire dans le cadre de son enquête sur les allégations de torture, demeure confidentiel.

Le gouvernement du premier ministre Stephen Harper a affirmé n'avoir jamais été prévenu au sujet de possibles cas de torture de prisonniers remis aux autorités afghanes par le Canada, bien que M. MacKay ait reconnu que les conservateurs ont eu vent de préoccupations générales dès leur arrivée au pouvoir, au début de 2006.

Le fait que la Croix-Rouge ait tenu des rencontres soulève davantage de questions quant à ce savait le gouvernement fédéral et au genre de mises en garde reçues.

Officiellement, la Croix-Rouge s'est contentée de dire que les entretiens portaient sur des sujets incluant l'Afghanistan, les lois humanitaires en périodes de conflit et la coopération avec le Canada.

De façon non officielle, des sources à Genève ont indiqué que l'agence internationale, qui a notamment pour mandat de superviser le traitement réservé aux prisonniers, était de plus en plus agacée par la notification tardive par le Canada de son transfert de présumés talibans aux autorités afghanes. Les délais ont atteint jusqu'à 34 jours, rendant difficile de suivre la trace des détenus.