Les partis de l'opposition accusent le gouvernement d'avoir menti ou, au mieux, d'avoir usé d'aveuglement volontaire, dans le dossier de la torture de détenus transférés aux autorités afghanes. Et mauvaise nouvelle pour les troupes de Stephen Harper: une majorité de Canadiens semblent partager cette opinion, selon un nouveau sondage.

Les partis de l'opposition accusent le gouvernement d'avoir menti ou, au mieux, d'avoir usé d'aveuglement volontaire, dans le dossier de la torture de détenus transférés aux autorités afghanes. Et mauvaise nouvelle pour les troupes de Stephen Harper: une majorité de Canadiens semblent partager cette opinion, selon un nouveau sondage.

Le document qui a causé mercredi la volte-face du chef d'état-major des Forces armées canadiennes faisait partie des plusieurs centaines de pages déposées à la Cour fédérale par le gouvernement en novembre 2007, dans le cadre d'une poursuite intentée par l'Association des libertés civiles de Colombie-Britannique et Amnistie internationale. Il était donc public depuis deux ans.

Pourtant, le général Walter Natynczyk a affirmé n'avoir été mis au courant de son existence que mercredi matin à 9h, soit quelques heures avant de convoquer une conférence de presse d'urgence pour reconnaître pour la première fois que le détenu battu par les services policiers d'Afghanistan en juin 2006 - un incident connu - avait bel et bien été transféré par des militaires canadiens.

Le gouvernement Harper, qui affirme depuis des semaines, voire des années, qu'il n'existe aucune preuve qu'un seul détenu afghan transféré par le Canada a été maltraité ou torturé par les autorités afghanes, a justifié sa position hier en disant qu'il se fiait sur la parole de son numéro un des Forces armées.

Mais les partis de l'opposition ont trouvé ces explications difficiles à avaler.

«En novembre 2007, ce document était inclus dans une liasse de 1200 pages présentée en Cour fédérale par la Défense nationale. À ce moment, la date du document était censurée, de même que les sections concernant les mauvais traitements aux détenus. C'était peut-être nouveau pour le général Natynczyk, mais de toute évidence, ce n'était pas nouveau pour le gouvernement», a lancé le député libéral Marcel Proulx.

L'un des passages censurés est celui où l'auteur du rapport explique que les militaires ont pris des photos du détenu avant de le remettre à la police afghane, au cas où il serait attaqué, «comme c'est arrivé dans le passé».

«S'ils l'ont censuré, ils ont su, s'est insurgé le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe. M. MacKay est responsable de ceux qui ont censuré ces documents, donc il savait. C'est ça, la responsabilité ministérielle.»

«Peter MacKay nous ment effrontément.»

Tentatives de l'opposition

Le gouvernement a néanmoins continué à ignorer les appels de ses adversaires pour une enquête publique, ainsi que pour la démission du ministre MacKay.

De leur côté, les partis de l'opposition ont promis de persévérer, malgré la pause parlementaire des Fêtes qui doit commencer aujourd'hui.

Hier, les représentants du Bloc, du NPD et du Parti libéral au comité parlementaire spécial qui étudie le dossier ont demandé une réunion d'urgence pour déterminer s'ils devraient se réunir dans les prochains jours, malgré la pause hivernale.

Et durant toute la journée à la Chambre des communes, tous les partis ont débattu d'une motion du Parti libéral qui demande au gouvernement de remettre au Parlement une série de documents non censurés et pertinents à la question des détenus en Afghanistan. La motion a été adoptée à 145 voix contre 143, mais le gouvernement a montré une forte réticence à se plier aux demandes de la Chambre.

Choses rares, plusieurs ministres se sont succédé pour prononcer des discours enflammés dénonçant la manoeuvre de l'opposition, qui selon eux mettrait la sécurité nationale en danger. Une sous-ministre adjointe du ministère de la Justice, responsable du groupe de droit public, a aussi écrit au conseiller légal de la Chambre des communes pour lui faire remarquer que «de l'information dommageable ne devrait pas être dévoilée dans un contexte parlementaire».

Sondage de CBC

Par ailleurs, les troupes de Stephen Harper se sont réveillées hier au son d'une autre mauvaise nouvelle: un nouveau sondage a démontré qu'une majorité de Canadiens ne croient pas leur version dans ce dossier. Selon ce sondage Ekos-CBC, 61,4% croient que des prisonniers qui ont été remis aux autorités afghanes par les militaires canadiens ont été torturés.

Menée du 2 au 8 décembre auprès de 2388 Canadiens, l'enquête indique également que les troupes du premier ministre Stephen Harper sont tombées en territoire minoritaire, avec 35,6% des intentions de vote. La marge d'erreur du coup de sonde est de 2,5 points de pourcentage, 19 fois sur 20.