La prise de la ville d'Haji Baba par les troupes canadiennes se fera centimètre par centimètre, donnant le ton à la dernière partie de la mission du Canada en Afghanistan.

Les Forces armées canadiennes ont lancé une grande offensive le week-end dernier contre Haji Baba, un château-fort taliban situé au sud-ouest de Kandahar, tentant d'ouvrir un nouveau front pour leur lutte contre les insurgés.

Mais des problèmes techniques ont retardé l'arrivée des militaires aux abords de la ville où ils ont rapidement réalisé qu'ils étaient entourés d'engins explosifs artisanaux.

Si le vent a commencé à tourner pour les Canadiens, c'est moins en raison de leur extraordinaire équipement que de leur volonté à jouer selon les règles d'un code pachtoune vieux comme le monde.

Tard lundi soir, alors que les Forces armées canadiennes et l'Armée nationale afghane avaient réussi à avancer d'environ un kilomètre dans la ville, le commandant du groupement tactique a souri en évoquant la lenteur de la progression.

«C'est la raison pour laquelle vous ne tombez pas dans un piège, que vous y allez si lentement, que vous avancez un pas à la fois», a déclaré le lieutenant-colonel Jerry Walsh depuis l'arrière de son véhicule blindé léger d'où il observait les opérations.

«En Afghanistan, le temps ne veut pratiquement rien dire.»

Quelque 1000 soldats canadiens ont fait équipe avec 200 soldats de l'Armée nationale afghane dans une tentative pour étendre le concept de «village modèle», qui a remporté un certain succès dans le district de Dand, à des régions où la structure tribale est moins favorable à la présence des troupes étrangères.

Le district de Dand est principalement peuplé par des membres de la tribu Barakzai, qui ont aidé à soustraire Kandahar au contrôle des talibans en 2001. La zone où se trouve la ville d'Haji Baba est toutefois dominée par la tribu Noorzai, une partisane de longue date des rebelles.

L'endroit est d'une grande importance stratégique pour les militaires canadiens puisque cette région au sud du district de Panjwaii est une porte d'entrée pour les talibans qui souhaitent avoir accès à Kandahar ou à d'autres points chauds plus au nord, comme Zhari.

Les hauts dirigeants de l'armée ont passé des mois à préparer la mission et à répéter avec un contingent de soldats afghans.

Mais lorsque le plan a finalement été mis à exécution samedi, une série de défectuosités techniques et la présence de nombreux engins explosifs artisanaux enfouis dans le sol autour de la ville ont considérablement compliqué les choses.

Alors que le jour tombait, les troupes se sont repliées dans un cimetière à l'extérieur des murs d'Haji Baba.

Le lendemain matin, les Canadiens ont décidé de mettre Ramatullah, un capitaine de l'Armée nationale afghane qui parle couramment le pachtoune et qui a le respect de ses mentors, au travail.

Lorsque les notables de la ville assiégée et des villages voisins se sont présentés au cimetière pour un enterrement, une «shura» a rapidement été organisée.

Rompu à l'art de la «shura», Ramatullah a tour à tour réprimandé les notables et rit avec eux, si bien qu'ils ont fini par se réunir autour de lui et par proposer de mener les Canadiens dans Haji Baba.

Selon le code pachtoune, lorsqu'un notable accepte de conduire quelqu'un le long de la route principale de la ville, c'est qu'il lui accorde sa protection.

Avec l'aide des locaux, les militaires ont trouvé des dizaines d'engins explosifs artisanaux dans une zone de 100 m autour du cimetière, un signe selon le lieutenant-colonel Walsh de l'importance que la ville revêt aux yeux des talibans.

Mais la lutte pour Haji Baba est loin d'être terminée.

Les services de renseignement canadiens croient que plusieurs talibans n'ont pas fui la ville. En fait, ils pourraient en être incapables puisque les lieux sont cernés par les armées canadienne et afghane.

«Vous devez comprendre qu'ils n'étaient pas tous sincères», a indiqué le commandant Walsh en parlant de la réaction des notables après la «shura».

«Mais les gens réalisent que les talibans, du moins dans la partie nord du village, les ont abandonnés et peut-être que, maintenant, ils voient qu'il y a de l'espoir.»

Les forces canadiennes et afghanes devront passer des semaines à nettoyer méthodiquement Haji Baba de ses mines et à passer en revue les rumeurs locales concernant qui appartient aux talibans.

«Patience tactique», a résumé Jerry Walsh concernant ce qui attend les militaires. «La patience de Job.»