Les Forces canadiennes ont pris part au démantèlement complet d'un fortin de l'armée afghane situé au coeur du pays taliban, à l'ouest de Kandahar, en Afghanistan - premier signe d'une tentative de reprise en main des zones urbaines, en priorité.

Le Groupement tactique du 2e Bataillon du Royal 22e Régiment de Valcartier a ainsi mené sa première opération, depuis son déploiement en mars-avril, avec succès, au dire du commandement canadien, qui ne conçoit pas ce mouvement comme un repli, mais comme un repositionnement.Les Canadiens ont essuyé des tirs et ont été menacés par des bombes artisanales, mais personne n'a été blessé.

L'opération a été «extrêmement bien exécutée, bien synchronisée», a témoigné, dimanche, au cours d'une séance d'information à l'aérodrome de Kandahar, un officier qui a participé à la planification et dont on ne peut révéler l'identité.

Du 26 au 30 avril, une centaine de véhicules blindés et 400 soldats canadiens ont travaillé à ce chantier logistique d'envergure à Mushan, à environ une cinquantaine de kilomètres de la ville de Kandahar, en collaboration avec quelque 100 soldats afghans ainsi qu'avec le 2e Bataillon du 2e Régiment de la 1re Division d'infanterie américaine, qui bouclait une zone d'interdiction aux alentours.

C'est l'armée afghane qui a demandé à rapatrier à Kandahar cette compagnie isolée de 64 soldats et leurs huit mentors canadiens, parce que l'avant-poste était devenu apparemment superflu dans le dispositif de défense de la province, selon les renseignements fournis par les Forces canadiennes.

Selon le major Stéphane Briand, du Royal 22e Régiment, il ne s'agit pas d'un repli qui cède du territoire aux talibans, mais bien d'un «repositionnement» des forces.

«Le général Bashir (le commandant de l'armée afghane) voulait recentrer ses force au sein de la ville de Kandahar même, où se situe le bassin de population, pour augmenter le niveau de sécurité», a déclaré en entrevue, dimanche après-midi, le major, originaire de Saint-Prime, au Lac-Saint-Jean.

«Une contre-insurrection, ça se joue sur plusieurs fronts, nous sommes mobiles, nous restons agiles», a-t-il expliqué.

Les Afghans ont demandé l'aide des Canadiens parce qu'ils ne disposaient pas des moyens nécessaires pour effectuer l'opération. Le démantèlement complet s'imposait, pour éviter que les insurgés n'investissent l'ouvrage fortifié, qui était situé à la pointe d'une péninsule, au confluent de deux rivières.

Les médias intégrés aux Forces canadiennes en vertu d'un protocole, comme La Presse Canadienne, avaient été informés au cours de la dernière semaine de la tenue de l'opération, mais n'avaient pu en rapporter les détails, pour des raisons de sécurité.

Une grande manoeuvre de diversion a d'abord été exécutée plus au sud. Puis, les deux compagnies canadiennes ont pris la route et ont mis 26 heures pour se rendre, plus rapidement que prévu à l'origine. Le démantèlement des équipements, des tentes, etc., a ensuite été effectué. Enfin le matériel a été ramené, et les troupes canadiennes ont regagné leurs avant-postes. Le soutien aérien était disponible, mais n'a pas été sollicité.

Les talibans ont tiré à quelques reprises, mais les Canadiens ont riposté et «les combats n'ont pas été soutenus», a résumé le major Briand. Moins d'une dizaines d'engins explosifs ont été neutralisés. L'un d'entre eux a endommagé un tank.

«Les soldats ont bien réagi, a fait savoir le major Briand. Nous avons réappliqué ce que nous avons appris en entraînement.»

C'est la fin d'une présence permanente dans ce secteur, a admis, durant la séance de breffage, l'officier qui était engagé dans la planification de l'opération, en ajoutant que l'avant-poste de l'armée afghane avait une «influence limitée».

Beaucoup des villages des environs sont «ouverts aux talibans» et l'avant-poste de Mushan n'a jamais contrôlé la zone, a justifié le porte-parole.

«On ne peut être fort partout en même temps», a-t-il poursuivi, en précisant que des «patrouilles sporadiques» continueront de parcourir le territoire.

Selon l'officier, il n'y pas nécessairement plus d'insurgés dans cette zone. L'arrivée d'un bataillon américain à l'Ouest a plutôt comprimé leur zone d'action, ce qui fait qu'ils sont maintenant davantage concentrés.

Il a précisé qu'en vertu des renseignements colligés dans la zone de Mushan, il n'y avait pour l'instant pas de signe de «reprise» du territoire par les insurgés. Aussi, les Forces canadiennes surveillent attentivement la région de Mushan, pour être prêtes à agir en cas de représailles.

Le «repositionnement» de Mushan correspond à la nouvelle stratégie des Forces canadiennes, qui entendent assurer la sécurité des zones populeuses de la province de Kandahar et laisser l'arrière-pays, le sud-ouest et le nord, aux alliés américains, plus nombreux en raison de l'arrivée graduelle des 21 000 soldats supplémentaires promis par le président Barack Obama.

En 2007-2008, des poches de résistance avaient apparu dans la région de Mushan et autour, des suites de l'opération Medusa, une grande offensive menée par l'OTAN, avec en première ligne les Canadiens.

En mars 2008, dans cette même région, un soldat canadien, Michael Yuki Hayakaze, âgé de 25 ans, du Lord Strathcona's Horse, avait perdu la vie, au cours d'une attaque apparemment coordonnée, qui pourrait avoir été l'oeuvre d'un groupe plus radical de talibans, mené par Maulavi Jalaluddin Haqqani.

Le corps expéditionnaire canadien en Afghanistan est composé d'un peu moins de 3000 militaires, postés pour l'essentiel dans la province de Kandahar. Le Groupement tactique du 2e Bataillon du Royal 22e Régiment de Valcartier a pris la relève récemment du 3 Royal Canadian Regiment de Petawawa, en Ontario.