«Les gens ne doivent pas s'imaginer que ce qui se passe en Afghanistan ne peut pas les rejoindre d'une certaine façon.»

Le commandant du Royal 22e Régiment de Valcartier, le lieutenant-colonel Jocelyn Paul, a ce rappel à formuler à l'intention de l'opinion publique du Québec et du Canada, qui semble toujours partagée sur la raison d'être de la mission en Afghanistan.Au cours d'une entrevue accordée à La Presse Canadienne sur la base aérienne de Kandahar, l'officier qui dirigera les troupes du Groupement tactique du 2e Bataillon pour les six prochains mois a appelé à une forme de réalisme et à la vigilance.

«Quelque part, j'ai l'impression qu'on a très rapidement oublié que les attentats du 11 septembre 2001 se sont passés dans l'Etat de New York, qui est voisin de la province, a-t-il constaté. On a oublié que des Canadiens ont perdu la vie dans ces attentats. En décembre, dans les attentats de Mumbai (Inde), il y a aussi eu des Canadiens parmi les victimes.»

Questionné sur la façon dont on peut mieux communiquer le bien-fondé de l'intervention canadienne ou sensibiliser la population du pays, le lieutenant-colonel évoque, pour bien se faire comprendre, «la mondialisation», qui ne touche pas que les biens et services, mais aussi «les idées».

Il trace patiemment l'origine de la lutte antiterroriste en cours, dépeint ces gens qui, influencés par certaines idées, «ont décidé que des sociétés devraient vivre sous le régime de la charia» et qui ont une «vision très archaïque de leur religion». Ils peuvent vivre n'importe où dans le monde, ils ont grandi à Londres, à Paris, à Montréal, a-t-il rappelé.

«Ces gens-là doivent être arrêtés. Ils doivent laisser vivre les populations en paix. On doit s'assurer que les populations peuvent choisir de vivre comme elles l'entendent et ça se fait par l'entremise des élections», comme celles qui auront lieu en août en Afghanistan, a poursuivi le commandant.

Un sondage La Presse Canadienne-Harris-Décima datant du début d'avril laissait entendre que seulement 40 pour cent des Canadiens appuyaient la présence des troupes canadiennes en Afghanistan. Pas moins de 55 pour cent des 1000 personnes interrogées s'opposaient à la mission. Pire encore, l'opposition la plus forte se trouvait au Québec (71 pour cent), la province d'origine du Royal 22e Régiment.

«S'imaginer qu'on est à l'abri, c'est un peu naïf, a plaidé Jocelyn Paul. S'imaginer que l'Amérique du Nord est une espèce d'île de l'autre côté de l'océan, que ce qui passe ailleurs ne viendra pas nous rejoindre, c'est une vision du monde excessivement naïve.»

Les soldats du 2e Bataillon du Royal 22e Régiment se déploient à un moment important de l'intervention militaire internationale en Afghanistan. En effet, 17 000 soldats américains sont en voie d'intervenir en renfort, tel que promis par le président Barack Obama.

De même, les troupes canadiennes devront épauler les forces afghanes en vue d'assurer le bon déroulement des élections présidentielles prévues en août. Aussi, le Canada a adopté une nouvelle stratégie qui concentre ses efforts de pacification sur la ville de Kandahar et ses approches, dans la foulée du rapport Manley.

Enfin, le haut-commandement de l'OTAN dans la Région Sud, qui chapeaute tous les contingents nationaux, dont celui du Canada, a annoncé récemment l'intensification des combats.

Conforté par l'arrivée des renforts américains, le major général Mart De Kruif a appelé à la traque systématique des insurgés. Il estime que la mission est à un «point tournant» et que les affrontements dans le sud seront déterminants pour l'avenir du pays et l'issue de la guerre.

«Je ne demande pas mieux que de coordonner quotidiennement (les efforts) avec qui que ce soit qui apportera des ressources supplémentaires», a commenté Jocelyn Paul, à propos de son arrivée dans cette période cruciale, au cours de laquelle la collaboration entre les différents corps expéditionnaires nationaux devra être intensive.

Quant à savoir si ses hommes et ses femmes seront exposés à l'intensification des combats, le lieutenant-colonel a répondu diplomatiquement: «Il est évident qu'on va adopter des postures adéquates et requises pour contrer n'importe quelle menace qui va se présenter.»