L'aérodrome de Kandahar, où sont basées les troupes canadiennes, s'attend à doubler le volume de son trafic aérien en 2009.

En mars seulement, il a battu son record mensuel depuis son ouverture en 2005: les contrôleurs aériens ont effectué plus de 20 000 opérations, combinées avec celles des radars, alors que la moyenne mensuelle est habituellement de 16 000, selon le gestionnaire du trafic aérien, Alex Marsha. Ainsi, en mars, si on tient compte uniquement des opérations de la tour de contrôle, un appareil est atterri ou a décollé toutes les quatre minutes.En d'autres mots, cet aérodrome au beau milieu du désert reçoit actuellement un volume équivalent au tiers de celui de l'aéroport international Heathrow de Londres, a illustré M. Marsha. Kandahar figurerait à coup sûr parmi les 15 aéroports militaires les plus achalandés aux États-Unis, a-t-il ajouté, tandis qu'il surpasse toutes les bases de la Royal Air Force britannique.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Entre 2005 et 2008, le trafic aérien sur la seule et unique piste de la base a plus que doublé. Il est passé de 74 000 à 187 000 opérations par année.

L'augmentation du volume attendue en 2009 sera attribuable à l'arrivée des renforts américains, en grande partie, mais aussi au déploiement aérien de plus en plus important des autres pays de la coalition, notamment les Canadiens. Les forces canadiennes ont ajouté il y a quelques mois six hélicoptères Chinook et huit Griffon à leur arsenal de Kandahar. Pour leur part, les Américains posteront vraisemblablement la 82e Brigade de combat aérien à cet aérodrome.

«Nous (les contrôleurs) devrons parler plus vite!» a lancé en s'esclaffant, M. Marsha, en guise de solution, dans une entrevue à La Presse Canadienne mercredi.

Il est à la tête d'une équipe de plus d'une vingtaine de contrôleurs militaires américains. Il en est à sa quatrième année à Kandahar. Sur son bureau traîne un magazine de yachting. C'est un passionné de voile, propriétaire d'un bateau accosté chez lui, en Caroline du Sud. Mais la mer est loin, ici. On peut toujours rêver.

Ce n'est pas tant le volume qui est problématique, mais plutôt la diversité des appareils qui effectuent leur ballet dans le ciel à toute heure du jour et de la nuit. En effet, il y a les avions militaires, chasseurs, avions-cargos, hélicoptères, et aussi les appareils civils, et chacun possède ses caractéristiques propres qu'il faut «combiner dans un système qui fonctionne en douceur», a expliqué le gestionnaire.

Aussi, dans un aéroport civil traditionnel, à la base, on a un flux d'arrivée où tout le monde a la même approche en droite ligne, a-t-il décrit.

«Ici, le problème tient au fait qu'il y a beaucoup d'appareils militaires en vol tactique, qui utilisent donc des procédures différentes de la file qu'on peut observer dans un aéroport civil, où tout le monde se place dans une belle ligne avec un espacement régulier, va à la même vitesse au sol et sort par la même sortie. Ici, ce n'est pas le cas.»

À Kandahar, le contrôleur doit par conséquent accompagner «chacun des appareils individuellement, l'assister pour aller du point À au point B, en même temps que de l'intégrer au trafic des autres», a-t-il poursuivi.

«Nous devrons simplement apprendre à espacer davantage les appareils», a-t-il précisé, et mettre en place des procédures en fonction du type d'appareil, à voilure fixe, hélicoptères, gros cargo, etc. Les procédures permettent de catégoriser les engins du même type dans le même flux, ce qui «permet de trier et d'assurer une bonne fluidité».

Autre complexité: la langue, ce qui rappelle un débat qui a déjà eu lieu au Canada, sur la langue des gens de l'air. Or, seulement 25 pour cent des pilotes qui passent à Kandahar ont comme langue première l'anglais, a souligné M. Marsha.

«Nous avons des Français, des Néerlandais, des Belges, mais (il y a des problèmes) même avec les Britanniques», a-t-il cité, parmi les contingents principaux qui fournissent un support aérien.

«Aussi, il y a les équipages des grands avions-cargos, qui viennent en majorité des anciennes républiques soviétiques. Ils ont un gros accent et ont une maîtrise passable de l'anglais du transport aérien. On parle plus lentement, on demande de répéter.»

Les pilotes des hélicoptères des forces afghanes ne parlent même pas anglais. Les contrôleurs dégagent donc tout ce qui se passe autour, pour éviter les situations d'urgence.

Enfin, il ne faut pas oublier que Kandahar est d'abord et avant tout une zone de guerre, a évoqué M. Marsha. Dès qu'il y a des combats en cours, il faut s'attendre à une hausse du trafic, il faut donner la priorité aux appareils militaires, de combat ou de transport de troupes, etc.

Pour gérer le surcroît d'activité prévu en 2009, l'aérodrome disposera d'une nouvelle tour de contrôle et augmentera les effectifs des contrôleurs aériens, outre l'accroissement de la superficie disponible pour garer les appareils.

Actuellement, la tour de contrôle est constituée d'une pile de conteneurs maritimes, surmontés d'un petit local vitré, tout juste assez grand pour accueillir deux ou trois personnes. Deux contrôleurs aériens y officient en permanence, mais ils devraient être trois plus tard dans l'année. Les contrôleurs reçoivent une formation spéciale adaptée au genre d'environnement aérien qu'on retrouve à Kandahar.

«Ce n'est pas un travail pour tout le monde, je vous l'accorde, a concédé le superviseur, qui quitte son bureau et sa paperasse une fois par semaine pour le plaisir de se poster au contrôle, dans la tour. Mais c'est stimulant et gratifiant, quand on revient à la maison, on a le sentiment d'avoir réalisé quelque chose.»