Après un automne relativement calme, les vies de neuf soldats canadiens ont été fauchées au cours du mois de décembre en Afghanistan. Du coup, le Canada a franchi le seuil symbolique des 100 soldats morts depuis le début de cette mission entamée début 2002.

Au moment de publier ce reportage, 32 soldats canadiens avaient laissé leur vie en Afghanistan depuis le début de l'année. C'est plus qu'en 2007 (30) et un peu moins qu'en 2006 (36). Le bilan rappelle à quel point la mission est devenue dangereuse depuis que les troupes ont quitté la capitale, Kaboul, à la fin de 2005, pour s'installer dans la province de Kandahar.

 

Pour l'historien ontarien Jack Granatstein, grand spécialiste de l'armée canadienne et défenseur de cette mission, le Canada est le seul pays, avec les États-Unis, à être réellement engagé dans des combats contre les insurgés afghans. « Les Anglais et les Néerlandais le sont aussi, mais à un moindre degré, dit-il. «À mon avis, 2008 a été une année plus difficile que 2007 mais moins que 2006. En 2006, les soldats étaient souvent engagés (et tués) dans des combats contre des unités de talibans. Cette année, ce sont les bombes artisanales qui ont fauché les vies.»

Connues aussi sous le nom d'engins explosifs improvisés, les bombes artisanales constituent un véritable fléau. Pour en venir à bout, les Forces canadiennes ont multiplié les initiatives au cours des derniers mois : achat d'hélicoptères, de chars d'assaut, de véhicules destinés à la détection et à la destruction de ces bombes. Mais les six morts de décembre sont venus rappeler à quel point les soldats déployés dans ce pays font face à une insurrection qui n'a rien de conventionnel.

La situation se dégrade

Si le constat est vrai quant aux armes des talibans et autres insurgés, il l'est tout autant quant à l'ennemi lui-même. En entrevue à La Presse, Jocelyn Coulon, directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, affilié au Centre d'études et de recherches internationales de l'Université de Montréal, rappelle à quel point les talibans savent se fondre dans la population locale.

« Ils ne sont pas un corps étranger dans la société afghane. Ils sont chez eux, dit-il. On a affaire à une situation extrêmement fluide, où l'ennemi n'est pas identifiable à son uniforme comme dans une guerre classique.»

Ajoutons à cela qu'il n'y a pas non plus de «front» où deux forces en présence tentent de gagner du terrain. D'ailleurs, un rapport récent du Conseil international sur la sécurité et le développement (ex-conseil de Senlis) indique que les talibans ont fait passer de 54 à 72 % leur présence sur l'ensemble du territoire au cours des 12 derniers mois.

Jocelyn Coulon est allé en Afghanistan à la fin du mois de septembre. Il a constaté de visu que la capitale est moins sûre que lors de sa visite précédente. «Depuis 12 ou 18 mois, les diplomates, les représentants d'ONG, les journalistes prennent beaucoup plus de précautions pour se déplacer», dit-il.

Cela dit, Kaboul ne ressemble pas à Saigon en 1975, lorsque les derniers soldats américains évacuaient le Vietnam en catastrophe. «On convient que les talibans ne peuvent gagner une guerre conventionnelle. Mais ils vont constamment harceler les troupes étrangères déployées dans le pays. Ils font sentir leur présence, tant au point de vue militaire que politique.»

Pendant ce temps, le Canada, comme plusieurs autres nations engagées dans la relance du pays, participe à la formation de policiers et de militaires afghans, à de nombreux projets de reconstruction et à l'aide à la relance économique. Des activités de déminage ont aussi permis de remettre 180km2 de terre aux Afghans, indiqué récemment l'Agence canadienne de développement international.

 

SOLDATS CANADIENS MORTS EN AFGHANISTAN

2002: 4

2003: 2

2004: 1

2005: 1

2006: 36

2007: 30

2008: 32

TOTAL: 106