Mellissa Fung, journaliste de la CBC enlevée pendant près d'un mois en Afghanistan, croit avoir été libérée en échange de prisonniers afghans. Cette déclaration contredit les propos du premier ministre Stephen Harper, qui a catégoriquement nié qu'il y ait eu échange de prisonniers.

En entrevue au réseau CBC hier, Mellissa Fung a confié ce qu'elle croit savoir des négociations menées pour sa libération de samedi dernier. Elle dit avoir été relâchée à la suite d'un échange avec des membres de la famille de ses ravisseurs.

 

«Je comprends maintenant que les services de renseignement afghans ont repéré le chef du réseau de ce groupe et en ont arrêté plusieurs membres. Ils ont accepté de les relâcher à la condition qu'ils me libèrent. (...) C'était un échange de prisonniers.»

Les propos de Mme Fung corroborent l'information d'un journaliste du Pakistan Observer, qui a écrit en début de semaine que la reporter canadienne avait recouvré la liberté en même temps que deux prisonniers talibans.

Or, Stephen Harper avait catégoriquement nié cette information, lundi. «Il n'y a pas eu de libération ou d'échange de prisonniers politiques», avait-il affirmé lors d'un point de presse à Ottawa.

Le porte-parole de M. Harper, Dimitri Soudas, a maintenu la position du gouvernement, hier. «Aucun prisonnier n'a été échangé pour la libération de Mme Fung, que ce soit des prisonniers politiques, des prisonniers talibans. Aucun échange n'a été effectué», a affirmé M. Soudas.

Le gouvernement afghan aurait-il pu négocier les termes de l'échange? «Aucun échange n'a eu lieu, et aucune rançon n'a été payée, a répété M. Soudas. Si vous avez des questions sur l'enquête du gouvernement afghan, vous devriez les poser aux autorités afghanes.»

La Presse a demandé une entrevue avec le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon. Sa porte-parole a renvoyé la demande à une fonctionnaire du Ministère, qui a également contredit les propos de la journaliste de la CBC.

«Toute question relative à d'autres personnes détenues ou relâchées dans le cadre de l'enquête entourant l'enlèvement de Mellissa Fung devrait être adressée aux autorités afghanes», a conclu Eugénie Cormier-Lassonde dans un bref courriel.

Le gouvernement joue-t-il sur les mots? «C'est possible», répond Charles Létourneau, chercheur à la chaire de recherche du Canada en politiques étrangère et de défense canadiennes de l'UQAM.

«Peut-être que le Canada se lave les mains dans cette histoire-là en disant que l'Afghanistan prend ses propres décisions», dit-il. «Mais il reste à voir quelles sont les informations que Mme Fung avait», nuance M. Létourneau, qui n'écarte pas la possibilité que l'Afghanistan ait négocié seul l'échange de prisonniers.

L'ambassade de l'Afghanistan à Ottawa n'a pas rappelé La Presse, hier soir.