Peut-être était-ce un effet de la cérémonie. À la sortie des funérailles d'État de Jack Layton, certains de ses pairs se faisaient prendre en photo et saluer avec respect et considération par quelques-uns des milliers de citoyens réunis autour du Roy Thomson Hall, dans le centre-ville de Toronto.

Notre interview avec Stéphane Dion a d'ailleurs été brièvement interrompue par un de ces croqueurs de souvenirs.

Dans les sondages, on a souvent vu les politiciens figurer parmi les professions les moins respectées, notait peu après le philosophe Charles Taylor, militant de longue date du NPD et un des porteurs honorifiques du cercueil de M. Layton. «Cette magnifique cérémonie a démontré qu'être politicien, cela peut être très noble», remarquait-il.

Les pairs du défunt chef du NPD ont vanté sa contribution à la vie publique. «Il avait ses idées, ses convictions qui étaient controversées de temps et temps et ça ne le gênait pas. (...) C'est mieux de dire ce qu'on pense que de ne rien dire ou d'être manufacturé par des consultants», observait Jean Chrétien.

L'ex-premier ministre s'est dit touché par la cérémonie, mais aussi par les milliers de personnes qui regardaient la retransmission de la cérémonie sur écran géant à l'extérieur. «Ça prouve que le service public n'est pas inutile».

Après la cérémonie, plusieurs anciens adversaires ont salué la contribution de M. Layton à la vie publique.

«Il combattait des idées, mais jamais des personnes», a résumé Louis Plamondon. Le chef intérimaire du Bloc québécois se souvient de la première fois où il a croisé M. Layton après la débandade de son parti aux dernières élections. «Il m'a tendu la main et demandé: comment vont mes amis du Bloc?», raconte-t-il. «Son départ crée un vide énorme. Des gens de ce calibre, la Chambre des communes n'en a pas assez. Peut-être que les Canadiens comme les Québécois n'ont pas assez de héros politiques comme ça», ajoute-t-il.

M. Plamondon était accompagné par la députée Maria Mourani et Gilles Duceppe.

L'ancien chef du Bloc se rappelle de M. Layton comme d'un «homme simple avec de grands projets». «Il nous a laissé un message: il faut améliorer les choses, même si on n'est pas toujours d'accord sur ce qu'il faut changer», dit-il.

L'ancien premier ministre libéral, Paul Martin, se rappelle d'un adversaire «avec qui on pouvait avoir un bon débat». Il estime que c'est entre autres ce qui explique la réaction des Canadiens à son décès. «Je pense que la population nous dit qu'elle retourner à un débat civil. Elle veut plus de débats de fonds et moins d'attaques. (...) Lorsqu'on regarde le débat aux États-Unis, on ne veut jamais avoir ça.»

Stéphane Dion renchérit. «Jack était fantastique, car c'était un homme honnête. S'il disait quelque chose, c'était vrai. Il ne vous tirait pas dans le dos dès que vous vous retourniez. On pouvait le croire. Mais c'était un adversaire redoutable en même temps», rappelle l'ex-chef libéral.

Souvenir du Momentum

À son passage à Val-d'Or lors de la dernière campagne électorale, alors que les sondages laissaient entrevoir sa percée historique au Québec, Jack Layton s'était entrainé à un gymnase nommé Momentum. Le député de Val-d'Or, Roméo Saganash, pensait que son chef pourrait remplir sa promesse et faire du canot chez les Cris cet été. «C'était très émouvant, la cérémonie, je repensais à ça. Il me disait: je veux venir voir les Cris», raconte M. Saganash.

Son collègue Yvon Godin était aussi ému. «Je serais menteur de dire que je n'ai pas été surpris (par la réaction des Canadiens. Je suis ébloui», a-t-il lancé.

Il avoue avoir été autant motivé qu'attristé par la cérémonie. «On a perdu un grand homme, mais en même temps, il nous a laissé un héritage qu'on ne pourra jamais oublier... Quand notre moral va être à terre, on va penser à lui et ça va remonter assez vite.»