Jack Layton avait un objectif en tête lorsqu'il a été élu chef du NPD, le 23 janvier 2003: transformer son parti pour qu'il devienne une option crédible au Québec.

Natif de Hudson, près de Montréal, M. Layton croyait que le Québec pouvait être un terreau fertile pour le NPD étant donné la tradition sociale-démocrate bien ancrée dans la province.

«Il était obsédé par le Québec. Il n'hésitait pas à nous rappeler qu'il fallait toujours tenir compte des aspirations des Québécois dans notre démarche», a raconté lundi Anne McGrath, la chef de cabinet de M. Layton.

Malgré les sceptiques - et ils étaient nombreux dans son parti -, Jack Layton a consacré beaucoup de temps et d'énergie à sa conquête du Québec. Après huit ans de travail inlassable, la fameuse percée est survenue aux élections du 2 mai: le NPD a fait élire 59 députés dans la province, qui avait échappé à tous ses prédécesseurs.

Propulsé au poste de chef de l'opposition officielle, Jack Layton n'a pu savourer longtemps cette victoire. Le destin en a décidé autrement.

Mais même sur son lit de mort, Jack Layton est demeuré préoccupé par l'avenir de son parti au Québec. Dans la lettre aux Canadiens qu'il a rédigée deux jours avant sa mort et qui a été rendue publique lundi, M. Layton a tenu à dire aux Québécois qui ont appuyé son parti qu'ils avaient pris «la bonne décision»: «Vous avez décidé qu'afin de remplacer le gouvernement fédéral conservateur du Canada par quelque chose de mieux, il fallait travailler ensemble, en collaboration avec les Canadiens progressistes de l'ensemble du pays. Vous avez pris la bonne décision à ce moment-là. C'est encore la bonne décision aujourd'hui et restera la bonne décision au cours des prochaines élections, lorsque nous réussirons, ensemble.»

«Vous avez élu une superbe équipe de députés du NPD qui vous représenteront au Parlement. Ils vont réaliser des choses remarquables dans les années à venir afin de faire du Canada un meilleur pays pour nous tous», ajoute-t-il.

Par ces mots, Jack Layton a voulu administrer une dose d'optimisme à ses troupes au Québec. «Jack ne croyait pas que les gains faits au Québec au dernier scrutin aient été un accident de parcours», a confié Anne McGrath.

Mais ses 59 députés du Québec, pour la plupart élus parce que les Québécois ont voté pour «Jack» au dernier scrutin, se sentent un peu orphelins, aujourd'hui.

Son départ laisse évidemment un grand vide au NPD. Dans quelques mois, les militants néo-démocrates auront à choisir un nouveau chef. D'aucuns admettent que le successeur de Jack Layton aura de grands souliers à chausser. Son principal défi sera de conserver les gains faits au Québec et de répondre aux aspirations des Québécois sans indisposer le reste du Canada. Un difficile jeu d'équilibriste qui a déjà fait perdre des plumes à plusieurs leaders dans le passé.

Dans les rangs néo-démocrates, personne n'a voulu parler de succession. Cette délicate question sera abordée en temps et lieu. Quelques noms circulent tout de même: Thomas Mulcair, du Québec, Peter Julian, de la Colombie-Britannique, Peggy Nash, de l'Ontario, Joe Comartin de l'Ontario. D'autres noms pourraient s'ajouter: le jeune Alexandre Boulerice, de la région de Montréal, n'a pas tardé à s'imposer durant la dernière session parlementaire. La députée Megan Leslie, de la Nouvelle-Écosse, qui s'exprime bien en français, pourrait aussi tenter sa chance.

Le choix d'un nouveau chef crée inévitablement des frictions. Le défi du NPD sera de maintenir une image d'unité en cette période mouvementée. C'est d'ailleurs le souhait de Jack Layton.

«Je recommande au parti de tenir un vote [...] le plus tôt possible dans la nouvelle année, en s'inspirant de l'échéancier de 2003, afin que notre nouveau ou nouvelle chef ait amplement le temps de reconsolider notre équipe, de renouveler notre parti et notre programme, et puisse aller de l'avant et se préparer pour la prochaine élection», a-t-il écrit dans sa lettre d'adieu.

Cet appel à l'unité sera-t-il entendu? Les néo-démocrates nous donneront la réponse dans les mois à venir.