À 4 ans, Marie-Philip Poulin était déguisée en princesse pour le spectacle de fin d'année. Elle se sentait à l'étroit dans sa robe. Elle n'était pas comme les autres petites filles qui rêvaient au prince Charmant.

«J'ai dit à ma mère: «je ne suis pas sûre que je veux faire ça.»»

Elle suivait des cours de patin artistique. Le patin, oui, mais artistique, non. Très peu pour elle, les tutus et les robes à paillettes.

«J'étais plutôt tomboy», lâche-t-elle en riant.

Elle voulait faire du patin, du patin de gars, et jouer au hockey comme son grand frère, pas exécuter des arabesques. Elle aimait passer la tondeuse avec son père. Elle boudait les poupées.

Elle suivait son frère partout. Quand il jouait au hockey, elle s'assoyait religieusement dans les gradins glacés des arénas et elle ne le quittait pas des yeux. Les filles de son âge couraient partout pendant que leurs frères se disputaient la rondelle sur la patinoire. Pas Marie-Philip. Elle adorait son frère, son aîné de trois ans, qui grimpait rapidement les échelons du hockey junior: pee-wee, bantam, midget. «J'étais sa fan no 1.»

Elle aussi a vite gravi les échelons du hockey. Elle a commencé à 5 ans. Sa progression a été spectaculaire. À 18 ans, non seulement elle faisait partie de l'équipe olympique de hockey féminin aux Jeux de Vancouver de 2010, mais elle a compté les deux buts qui ont permis au Canada de décrocher la médaille d'or.

Quatre ans plus tard, elle a renouvelé son exploit aux Jeux de Sotchi. Elle a compté un but 55 secondes avant la fin de la troisième période, évitant à son équipe l'élimination par les Américaines. En prolongation, elle a marqué le but vainqueur. Deux buts stratégiques qui ont procuré encore une fois l'or au Canada.

Après Vancouver, Marie-Philip Poulin est devenue une surdouée du hockey. Après Sotchi, elle s'est +++

Elle a des yeux bleus comme la mer et un regard doux et tranquille. Ses cheveux blonds forment un chignon désordonné sur le dessus de sa tête. Elle porte des vêtements sportifs, un élégant mélange de noir et de blanc, et des bijoux discrets: boucles d'oreilles, bracelet, bagues. Rien à voir avec la redoutable joueuse de hockey qui dispute âprement la rondelle dans un coin de la patinoire ou la battante qui dévale la patinoire d'une traite en déjouant ses adversaires.

Je l'ai rencontrée à l'Université de Boston, où elle étudie la psychologie depuis quatre ans. Elle fait partie de l'équipe universitaire de hockey. La veille, elle a disputé un match contre le Collège de Providence. Moi qui ne connais rien au hockey, j'ai été fascinée par son jeu viril, sa vélocité et son habileté à contrôler la rondelle et à se faufiler vers le but.

Après la partie, quatre journalistes attendaient à la porte du vestiaire pour parler à l'entraîneur. «Elle est la meilleure, loin au-dessus des autres», m'ont-ils dit.

Le lendemain, j'ai rencontré Marie-Philip à l'aréna. Elle portait un bandage à la main gauche. Elle s'était fracturé le petit doigt la veille, pendant le match. Elle en a connu, des blessures, au cours de sa courte carrière: épaule déplacée, main cassée, cheville foulée...

En 2011, elle a foncé dans la bande à toute vitesse. «J'ai senti quelque chose dans mon estomac.» Elle s'est traînée jusqu'au banc. Elle est sortie de l'aréna sur une civière. Rupture de la rate. Elle a passé trois jours aux soins intensifs.

Après son exploit aux Jeux de Vancouver, les universités se sont battues pour la recruter. Elle a choisi Boston. «J'avais envie de vivre l'expérience américaine.»

Tout est payé: ses études, son appartement sur le campus, son hockey, son équipement. Un soulagement pour ses parents, qui se sont saignés pour que Marie-Philip et son frère jouent au hockey.

Elle ne vient pas d'une famille riche, loin de là. Son père avait deux emplois pour boucler les fins de mois, et sa mère travaillait comme secrétaire dans un hôpital.

Marie-Philip vient de loin. Elle a travaillé fort pour faire partie de l'équipe olympique.

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Elle avait 16 ans lorsqu'elle a décidé de quitter Beauceville, sa ville natale. Elle jouait dans une équipe de hockey où elle était la seule fille. «Ils me traitaient comme leur petite soeur.»

C'est là qu'elle a appris à se défendre et à jouer dur dans les coins. Elle rêvait aux Jeux olympiques, mais avant de se hisser sur le podium, elle devait faire partie d'une équipe féminine de hockey. Il n'y en avait pas, à Beauceville. Elle a donc décidé de déménager à Montréal. Sa mère l'a avertie: «Tu fais les démarches et tu te trouves une famille d'accueil.»

C'est ce qu'elle a fait, du haut de ses 16 ans. Elle a déniché une école privée anglaise et elle est partie seule dans la grande ville. Elle voulait apprendre l'anglais. Gros défi pour une fille qui ne connaissait que trois mots: yes, no et maybe. Pourrie en anglais, mais bonne en diable au hockey.

Elle en a arraché. «Les premiers mois, j'avais des maux de tête. Je me demandais: «Qu'est-ce que j'ai fait là? "»

Après son secondaire, elle a fréquenté un cégep anglophone, Dawson, puis elle a été recrutée pour faire le camp d'entraînement de Calgary, qui l'a conduite aux Jeux olympiques de Vancouver. On connaît la suite: les deux buts, la médaille d'or, Boston, Sotchi.

En mai, elle va recevoir son diplôme. Que va-t-elle faire, après? Elle l'ignore. Une maîtrise à Boston? Peut-être. Le hockey? Sûrement. Pas question de lâcher. Elle a les yeux rivés sur les Jeux olympiques de 2018 en Corée du Sud. Elle y sera, jure-t-elle.

Et après? Les enfants, la famille. Mais d'abord, hockey, hockey, hockey.