Un beau sapin de Noël trône dans un coin du logement. Sur la table du salon sont déposés deux poinsettias. Une bonne odeur de fruit flotte dans l'air. L'ambiance festive chez les Trudeau-Dulude, une famille de sinistrés qui habite temporairement dans un logement de Lacolle, est toutefois précaire. Car d'ici quelques jours, leur maison de Noyan, qui a été fortement endommagée par les inondations du printemps dernier, sera démolie. Même si ce moment risque d'être fort émouvant, la famille préfère y voir le signe d'un nouveau départ.

L'été dernier, La Presse a suivi la famille Trudeau-Dulude qui tentait de sauver sa maison. François Trudeau avait entièrement refait le plancher en béton de son sous-sol avec l'aide d'un groupe de bénévoles. Il avait arraché sa piscine devenue inutilisable. Durant toute la durée des travaux, la famille composée de trois enfants, deux adultes et deux chiens a vécu dans une petite roulotte.

M. Trudeau croyait bien pouvoir sauver sa demeure en réalisant tous ces travaux. C'est pourquoi il avait quitté son travail de mécanicien pour se consacrer corps et âme à la réfection. Mais en septembre, le verdict du gouvernement est tombé: les dommages sont si grands que le bâtiment devra être démoli. «On a fait tout cet ouvrage pour rien», déplore M. Trudeau. Le gouvernement a versé environ 150 000$ aux Trudeau-Dulude, qui ont ainsi pu rembourser leur hypothèque. Et avec le reste de l'argent, la famille tentera de s'établir ailleurs.

«On a eu une offre pour s'installer à Notre-Dame-de-la-Merci, dans les Laurentides», note François Trudeau. Selon lui, la municipalité cherche à attirer les jeunes familles. Le petit Jacob, 7 ans, ira à l'école primaire. Jean-Sébastien, 15 ans, suivra aussi le clan. Mais Alessandra, 18 ans, restera dans la région de Noyan avec son copain. M. Trudeau tentera de trouver un nouvel emploi.

En attendant de déménager, la famille habite dans un cinq et demi de Lacolle. «Ma conjointe ne voulait plus rester dans la roulotte», note M. Trudeau. Le 26 septembre, la mère, Sylvia Dulude, est tombée dans l'escalier de la roulotte, rendu glissant par la rosée. L'os d'une de ses jointures s'est décollé.

L'indicent aurait pu être banal. Mme Dulude est en arrêt de travail depuis deux ans après s'être coupé la main dans la scierie où elle travaillait. Depuis, elle vit un choc post-traumatique et est incapable d'entendre le bruit d'une scie. Le doigt tordu était sur sa main blessée.

«Après être tombée, Sylvia a voulu partir de la roulotte. En quelques jours, on a trouvé un logement et on a déménagé. On n'arrête jamais», note François Trudeau.

Pour Noël, les Trudeau-Dulude espèrent pouvoir enfin mettre de côté les épreuves des derniers mois pour fêter entre eux. «On a reçu des chèques-cadeaux de S.O.S. Richelieu pour nous aider à acheter des choses pour Noël. C'est vraiment généreux», souffle M. Trudeau.

Dès janvier, la vie reprendra son cours. M. Trudeau s'est fait offrir d'aller travailler quelques semaines en Haïti pour un projet spécial. Le grand déménagement à Notre-Dame-de-la-Merci doit aussi être planifié. «Oui, je suis déçu de perdre ma maison. Mais j'ai hâte de tourner la page. Il faut voir ça comme une occasion», dit-il.

Au plus fort des inondations historiques qui ont touché une vingtaine de villes de la vallée du Richelieu le printemps dernier, 3000 familles étaient touchées par le sinistre, et 1500 avaient dû évacuer leurs résidences. Sur les 2294 demandes d'aide financière reçues par le ministère de la Sécurité publique (MSP), 2164 ont été réglées, pour un total de 43 millions.

«Pour les autres dossiers, une grande partie a reçu entre 50% et 80% de l'aide financière admissible, sauf pour environ une soixantaine de dossiers dont le MSP est en attente d'un retour du citoyen (décision, demande de documents, factures, etc.)», écrit la porte-parole du Ministère, Valérie Savard. Sept familles sont toujours hébergées à l'hôtel.

Le député péquiste de Saint-Jean, Dave Turcotte, indique que certains sinistrés viennent encore le voir, car leur dossier tarde à aboutir. «Avec le recul, je peux dire que les informations ont été mal transmises aux sinistrés», dit-il. Au cours des derniers mois, M. Turcotte et son équipe ont tenté d'aider 166 familles. Un peu plus d'une soixantaine sont toujours en attente d'un règlement. «Chaque sinistré reçoit l'aide d'un analyste du gouvernement. Mais ces analystes changent souvent. Ils ne répondent pas tous la même chose aux sinistrés. Il y a beaucoup de confusion. Les dossiers simples se règlent plutôt bien. Mais pas les complexes», note M. Turcotte.

Le président de S.O.S. Richelieu, Michel Fecteau, reconnaît que certaines familles de sinistrés sont encore mal prises. Au départ, M. Fecteau et son équipe croyaient que leur contribution allait surtout être faite lors de la Grande Corvée de nettoyage de juin, qui a réuni plus de 3500 bénévoles.

Mais les besoins ont continué de se faire sentir. S.O.S. Richelieu a décidé de continuer à prêter main-forte aux sinistrés. Constatant que la population ignorait que l'organisme était toujours actif, M. Fecteau a tenu une conférence de presse en octobre. «On a informé les gens qu'ils pouvaient remplir un formulaire pour obtenir de l'aide. On ne leur donnait pas d'argent. Mais on leur donnait des chèques-cadeaux dans différents commerces», explique M. Fecteau.

La plupart des sinistrés avaient besoin de vêtements et de nourriture. S.O.S. Richelieu a donné plus que ça. «Dans notre formulaire, on a mis une case qui disait: Selon vous, quelle est votre urgence? Et on tentait d'y répondre», explique M. Fecteau.

Les bénévoles qui se rendaient chez les sinistrés ont été surpris de voir qu'encore en octobre, les besoins étaient grands. «On a dû par exemple aider une dame qui dormait dans son auto», dit-il. À l'approche des Fêtes, d'autres chèques-cadeaux ont été distribués. «Avec le recul, je suis fier de ce que S.O.S. Richelieu a accompli», note M. Fecteau, qui reçoit encore à l'occasion des demandes d'aide.