Depuis le 22 juin, La Presse suit la famille Trudeau-Dulude, de Noyan, dont la maison a été très endommagée par les inondations qui ont touché la Montérégie ce printemps. La famille n'a toujours pas réintégré son domicile. Et les travaux de rénovation, qui étaient bien avancés, ont dû être stoppés d'urgence. Comme des dizaines de sinistrés, la famille Trudeau-Dulude doit attendre le décret gouvernemental autorisant la reconstruction en zone inondable avant de poursuivre les travaux.

«Un inspecteur du gouvernement est venu et nous a dit d'arrêter les travaux parce que notre maison devra peut-être être remontée de trois pieds», explique François Trudeau.

Cette nouvelle a anéanti le père de famille. Car les travaux étaient bien avancés. Des bénévoles avaient aidé la famille à excaver le sous-sol, où se trouvaient les chambres des trois enfants. «On avait remis de la pierre. On était sur le point de couler la dalle de béton», raconte M. Trudeau. Mais tout a dû être arrêté. La famille attend maintenant le décret du gouvernement, qui permettra ou non la reconstruction en zone inondable.

Ce décret a été annoncé le 22 juin dernier. Au ministère des Affaires municipales, on dit ne pas savoir quand il sera adopté. M. Trudeau n'en peut plus. «C'est vraiment long», dit-il.

La famille Trudeau-Dulude n'est pas la seule à attendre le décret gouvernemental. Inspecteur à Venise-en-Québec, Sylvain Girard explique que deux maisons sont considérées comme des pertes totales sur son territoire. «Mais on attend le décret du gouvernement avant de reconstruire. Parce que si le décret n'est pas adopté, on ne pourra pas reconstruire dans ces zones», explique-t-il.

M. Trudeau espérait finir les travaux de rénovation avant le début des classes. «On vit dans une roulotte. J'aurais aimé quitter la roulotte avant la rentrée», dit-il. Mais il ne pense pas y parvenir. «Quand on aura des réponses, si on doit faire remonter notre maison, on va devoir faire des analyses de sol. Ensuite des plans. Ensuite, commencer. On parle de plusieurs mois», déplore M. Trudeau.

En attendant, il casse son grand balcon arrière et sa piscine. «Tout est détruit. Ma maison a perdu beaucoup de valeur. J'enlève tout parce que si je dois remonter la maison, je dois faire de la place tout autour», dit-il.

Manque d'argent

En plus d'être dans l'incertitude, M. Trudeau doit vivre avec une situation d'insécurité financière. Sa femme, Sylvia Dulude, est en arrêt de travail depuis plusieurs mois après s'être coupé la main avec une scie dans l'usine où elle travaillait. M. Trudeau, qui est mécanicien, a dû quitter temporairement son emploi pour s'occuper des travaux de rénovation. «Le gouvernement me donne 9,65$ de l'heure pour que je fasse les travaux. C'est beaucoup moins que ce que je gagne en temps normal. Je comprends. Mais ce qui est dur, c'est qu'on m'a refusé le droit au chômage», explique M. Trudeau.

Le père de famille aimerait que l'assurance emploi l'aide un peu. «Ça fait 25 ans que je cotise, je n'ai jamais demandé d'aide. Mais quand j'en ai besoin, on ne m'en donne pas, dit-il. On me dit de retourner travailler et d'engager un contremaître pour faire mes travaux. Mais je n'ai pas cet argent! Et je ne sais pas encore pour quoi le gouvernement va accepter de me rembourser ou non! C'est vraiment compliqué.»

M. Trudeau dit comprendre que le gouvernement prenne son temps et inspecte consciencieusement les maisons avant d'autoriser les reconstructions. «Il n'a pas intérêt à ce que les maisons soient de nouveau inondées. Moi non plus, je ne veux pas être encore inondé [...], dit-il. Mais ce qui est difficile, c'est l'attente. C'est de ne jamais savoir quoi faire. Je suis patient, mais là, c'est long.»