Les traits fatigués, Robert Benjamin et sa femme Denise Gagnon transféraient ce matin leurs sacs d'épicerie de leur camion à leur canot.

Leur embarcation attendait ce couple de Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix sur le terrain d'une maison située au bout de la 39e rue, une des plus inondée dans cette petite municipalité, où 450 résidences sont touchées. En fait, une dizaine de canots, chaloupes, pédalos et kayaks étaient garés sur la pelouse de cette résidence hier matin. «Ici, c'est notre marina! Les gens laissent leur embarcation ici et vont travailler ou faire leurs courses», s'exclame Céline Cyrène, une résidente de la rue qui a trouvé refuge chez le propriétaire de cette marina improvisée après avoir été évacuée avec son mari.

Si les pires inondations observées depuis 150 ans en Montérégie font les manchettes depuis deux semaines, ça fait un mois que les riverains de Saint-Paul-de-l'Île-au-Noix ont les pieds dans l'eau. Drôle d'ironie dans une municipalité surnommée ici «la capitale nautique», en raison des nombreuses marinas qui bordent la rivière Richelieu.

Une entreprise périlleuse dans certains cas. M. Benjamin et Mme Gagnon doivent grimper à bord de leur canot, puis sauter dans un bateau à moteur un peu plus loin pour atteindre leur maison située directement en bordure de la rivière, au bout de la rue. Le bateau moteur tire le canot à l'aide d'une corde.

Chemin faisant, le couple, qui habite Saint-Paul depuis 50 ans, nous offre une visite guidée de leur rue inondée. «On est fatigué, on n'est pas capable de dormir. Samedi, c'était l'anniversaire de ma fille, on n'y a même pas pensé...», se désole Mme Gagnon.

Au bout d'un terrain, deux zodiacs militaires surgissent d'un boisé. Comme dans plusieurs villes, des soldats patrouillent les rues. «Quand on voit l'armée, on sait que c'est grave mais c'est rassurant», indique M. Benjamin, un enseignant du Cégep à la retraite.

Sa femme énumère au passage les épreuves vécues par son voisinage. «Lui, il est tellement découragé qu'il ne parle plus. Sa femme est partie, lui il reste», explique-t-elle en pointant une demeure.

Un peu plus loin, un chien fait ses besoins sur le seul monticule vert de la rue, avant de plonger à l'eau pour nager vers une résidence.

Un peu partout, des déchets flottent sur l'eau brune.

Au milieu de la rue, un couple rame dans une chaloupe pleine de sacs poubelle. «On a fait du ménage, on a jeté de la nourriture», laisse tomber le sinistré.

Hébergés chez les voisins du bout de la rue, Léo Cyrène et sa femme Céline venaient faire leur visite quotidienne de leur résidence en chaloupe. Ils avouent, comme d'autres, avoir un peu peur de se faire cambrioler. Le couple garde le moral même si leur sous-sol est entièrement rempli d'eau. «Ma fille m'a dit: '''tu dois être content papa, toi qui as toujours voulu avoir une piscine intérieure'', raconte M. Cyrène, tout de même découragé par l'ampleur du nettoyage qui les attend avant de reprendre une vie normale.

Parce que sur la 39e avenue, seul un miracle ou du moins beaucoup de patience pourrait redonner espoir aux sinistrés.

Lentement mais sûrement

La sécurité civile a indiqué ce lundi que la situation évolue tranquillement et que le niveau de l'eau baisse d'environ 2 à 4 centimètres par jour, alors qu'il doit diminuer de 1,1 mètre avant de revenir à la normale.

Impossible toutefois de savoir dans combien de temps l'eau se retirera complètement des quartiers inondés. «La baisse de l'eau est lente et la météo aura un rôle à jouer», explique le directeur régional de la Sécurité publique de la Montérégie, Yvan Leroux. En d'autres mots, les sinistrés de la vingtaine de municipalités de la Montérégie affectées par ces inondations historiques devront s'armer de patience. Près de 3000 résidences sont touchées, dont le tiers se trouvent à Saint-Jean-sur-Richelieu. Selon M. Leroux, les autorités civiles discutent déjà des conséquences engendrées par les inondations, notamment les problèmes de santé, les dégâts sur l'environnement et les risques de cambriolage. Aujourd'hui, aucun geste criminel ou méfait n'avait encore toutefois été rapporté. Près de 800 militaires dépêchés en renfort sont toujours éparpillés dans la région.

Enfin, Québec a promis hier de bonifier son aide financière aux sinistrés.