Les propriétaires de la Résidence du Havre de L'Isle-Verte demandent au premier ministre Philippe Couillard de déclencher une enquête publique «pour connaître toute la vérité» sur l'incendie de leur établissement qui a entraîné la mort de 32 personnes en janvier dernier.

Ils dénoncent le «silence inacceptable» de la Sûreté du Québec (SQ) relativement à son enquête. Celle-ci dure depuis près de sept mois, un délai déraisonnable, a soutenu leur avocat, Me Guy Bertrand, en conférence de presse lundi à Québec. Il a envoyé par écrit vendredi dernier sa demande d'enquête publique à Philippe Couillard.

Selon Me Bertrand, l'enquête de la SQ ne permettra pas de connaître les circonstances entourant l'incendie puisqu'elle se limite à savoir si un crime a été commis, ce que ne croient pas les propriétaires. Deux autres enquêtes ont lieu - du Bureau du Coroner et du Commissaire aux incendies -, mais elles sont bloquées par les démarches toujours en cours à la SQ, selon Me Bertrand. Ces enquêtes, comme toute procédure civile, ne suffiront pas à son avis pour «faire toute la lumière» sur ce qui s'est passé le soir du drame.

Me Bertrand soutient que des «faits troublants, sérieux et lourds de conséquences» ont été portés à sa connaissance dernièrement et justifient une enquête publique. Par exemple, un entrepreneur qui installe des bornes sèches aurait avisé en août 2013 un fonctionnaire de L'Isle-Verte que la résidence est à haut risque d'incendie. Il aurait proposé des travaux pour répondre aux problèmes d'insuffisance de pression et d'alimentation en eau qui auraient pu être complétés en novembre 2013. Ce fonctionnaire aurait fait savoir qu'il avait déjà fait part de ces problèmes à la Ville et que celle-ci ne voulait pas intervenir. Devant le refus de la municipalité, il aurait exigé une lettre de la municipalité le déchargeant de toute responsabilité dans le cas où les problèmes d'alimentation en eau causeraient des préjudices à des tiers, selon Me Bertrand.

Il affirme également qu'une enquête publique, en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, permettrait de prévenir des drames du genre au Québec.

Rappelons que les propriétaires de la résidence, Irène Plante et Roch Bernier, et l'assureur Promutuel ont déposé le mois dernier une poursuite de 3,8 millions de dollars contre la municipalité de L'Isle-Verte. Ils l'accusent d'avoir commis des «fautes lourdes et grossières» le soir du drame. Ils lui reprochent également de ne pas avoir mis en place un plan d'urgence et d'évacuation malgré leurs demandes répétées dans les cinq dernières années. «La catastrophe aurait pu être évitée ou considérablement diminuée» si ces «fautes» n'avaient pas été faites, croient-ils.

La Sûreté du Québec s'est contentée lundi de confirmer que son enquête est toujours en cours. Selon Roch Bernier, les enquêteurs croient que le feu se serait déclenché dans la cuisine. Il réfute cette version des faits. Il dit avoir vu que la source du brasier se trouvait dans la chambre 208 d'un résidant fumeur.

Le propriétaire a longuement fait valoir que la situation actuelle est intenable. «C'est très difficile, les larmes coulent assez souvent», a-t-il laissé tomber. «Il faut tirer au clair cette histoire-là.»

Le cabinet du premier ministre Philippe Couillard n'a pas réagi jusqu'ici à la demande d'enquête publique.

Photothèque Le Soleil, Yan Doublet

Me Guy Bertrand (à gauche) et le propriétaire de la Résidence du Havre, Roch Bernier