La moitié des résidences privées pour personnes âgées du Québec sont construites entièrement en bois, comme l'était la Résidence du Havre à L'Isle-Verte, révèlent des données du ministère de la Santé compilées par La Presse.

Selon le Registre des résidences privées pour aînés du Québec, 976 des 1953 résidences privées de la province ont une charpente de bois « en totalité ».

Et de ce nombre, 699 n'ont aucun système de gicleurs. C'est donc dire que 36 % des résidences privées pour aînés du Québec sont construites entièrement en bois et ne disposent pas de gicleurs.

Importance des gicleurs

La présence de toutes ces résidences en bois inquiète les spécialistes en sécurité incendie. « Le feu se propage plus facilement d'un étage à l'autre quand la charpente est en bois. Il y a aussi plus de risques d'effondrement », affirme André St-Hilaire, président du comité de prévention de l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec.

Pour le directeur du Service de sécurité incendie de La Prairie, Sylvain Dufresne, le fait que la moitié des résidences privées pour aînés du Québec soient construites en bois rappelle l'importance d'installer des gicleurs dans ces établissements. « Ça permettrait de limiter la propagation du feu en cas d'incendie », dit-il.

L'architecte Sylvie Destroismaisons confirme que les structures de bois sont « par définition combustibles », et donc que les matériaux « participent à l'incendie ». « Dans ces cas, installer des gicleurs fait une différence. On dit que c'est un peu comme avoir des pompiers sur place », dit-elle. Mme Destroismaisons ajoute que l'installation de gicleurs aurait un effet bénéfique même dans les édifices existants qui ne respectent pas les plus récentes exigences de résistance au feu.

Mme Destroismaisons précise toutefois que l'installation de gicleurs a un coût, surtout pour les petites résidences. « Dans le choc actuel, on a tendance à aller à l'extrême. Mais dans la réalité, il faut voir comment on va appliquer les normes et qui va payer pour tout ça », note-t-elle.

Danger de fermeture

Marie Duchesne, du Groupe ressources techniques Les Habitations populaires de l'Est, confirme que le fait d'imposer des gicleurs à toutes les résidences privées du Québec pourrait avoir des effets dévastateurs dans certaines communautés. Mme Duchesne représente près d'une trentaine de résidences communautaires pour aînés du Bas-Saint-Laurent. « Les gens qui habitent nos résidences ne sont pas des plus fortunés. Si on doit faire les modifications aux plus vieilles résidences, les coûts seront astronomiques et notre clientèle ne pourra pas se le permettre », dit Mme Duchesne.

Celle-ci explique que plusieurs résidences communautaires sont construites dans de petits villages. « Fermer entraînerait le déracinement de personnes âgées », dit-elle.

Une inquiétude partagée par le président du Regroupement québécois des résidences privées pour aînés, Yves Desjardins. « En dessous de 16 résidants, la marge de profits des propriétaires est souvent minime, voire inexistante. Les petites résidences ne pourront pas payer pour tous ces changements. Et fermer des petites résidences dans des villages, ça aurait un impact désastreux sur les aînés qui y habitent. C'est bien de resserrer la sécurité. Mais il faut considérer plusieurs éléments avant d'agir. »

- Avec la collaboration de Sylvain Gilbert