Pour la première fois depuis le drame de jeudi dernier, les proches des défunts et disparus de la Résidence du Havre, à L'Isle-Verte, ont discrètement été amenés sur les lieux de la tragédie par la Sûreté du Québec (SQ). Pendant ce temps, les secouristes ont récupéré quatre nouveaux corps dans les décombres.

«Il y a des gens qui avaient besoin de voir, d'autres de se recueillir. Ce n'est pas facile. C'est là qu'ils ont perdu leurs parents ou leurs grands-parents», a indiqué le lieutenant Michel Brunet, de la SQ.

Des policiers les ont rencontrés et leur ont expliqué à quoi ils devaient s'attendre. Ils ont ensuite été transportés en autobus jusqu'au terrain de la Résidence du Havre.

«Ça leur permet de comprendre un peu ce qui s'est passé. C'est très différent de ce qu'ils voient à la télévision. La scène est impressionnante, même pour nous», a ajouté le lieutenant Brunet.

En fin de journée, hier, la SQ a annoncé que 40% du site a pu être déglacé et fouillé grâce à une machine qui projette de l'air chaud à plus de 300 °C - et qui sert à déglacer des coques de navire au Saguenay. «Ça fond bien, a dit Michel Brunet. Il ne nous reste qu'à assécher.» Les 60% restants seraient très encombrés.

Depuis le drame, 14 corps ont donc été trouvés, et 3 ont pu être identifiés. Il s'agit de Marie-Lauréat Dubé, Louis-Philippe Roy et Juliette Saindon. Dix-huit personnes sont toujours disparues.

La plupart des dépouilles retrouvées sous les débris sont envoyées au laboratoire médico-légal du bureau du coroner à Montréal afin d'être identifiées. Le travail est délicat.

«Il y a eu un incendie ici, évidemment, ça laisse des traces sur les corps», a dit la porte-parole Geneviève Guilbault.

La SQ affirme avoir interrogé une centaine de témoins depuis l'incendie afin d'en comprendre la cause. Hier encore, des personnes qui détenaient des informations ont demandé à rencontrer les enquêteurs.

«I'm the boss»

La mairesse de L'Isle-Verte, Ursule Thériault, a quant à elle voulu démontrer qu'elle maîtrisait la situation.

«I'm the boss, que je dis aux gens de la SQ», a-t-elle lancé en conférence de presse hier matin, selon ce que rapporte le site d'information régional Info-Dimanche.

Elle avait convoqué les médias régionaux à une conférence de presse. Elle n'a pas alerté les médias nationaux, qui n'étaient pas bienvenus. La rencontre se déroulait d'ailleurs au Service des incendies, et non au restaurant où toutes les activités médiatiques ont lieu depuis jeudi après-midi.

En réponse à une question, la mairesse a lancé que «L'Isle-Verte se porterait mieux sans les journalistes», a rapporté Info-Dimanche.

La mairesse suppléante, Ginette Caron, a recommandé ceci à ses citoyens: «Barrez vos portes, arrêtez de répondre [aux journalistes]».

Des propos nuancés par la mairesse lors d'une conférence en fin de journée, au cours de laquelle elle a affirmé qu'on a mal interprété ses propos sur les journalistes en matinée.

Dans la communauté, les avis sur le sujet sont partagés.

«Un moment donné, tout a été dit, j'ai hâte que tous les journalistes décrissent», a lancé une résidante.

Jacques Fraser, dont la mère Angéline Guichard a disparu lors du drame, a confié au contraire que ça lui faisait du bien de parler. Résidant de L'Isle-Verte, arrivé au village en fin d'après-midi en motoneige par le pont de glace reliant l'île et la terre, il a lui-même pris contact avec des journalistes pour savoir s'ils savaient si sa mère avait finalement été identifiée.

«Elle vivait sur l'île jusqu'à la mort de notre père. Elle tenait une auberge. Elle faisait du bon pain, une tarte au sucre délicieux. Tous les mercredis, j'allais la voir. Je lui apportais une Poule aux oeufs d'or et des fois des éperlans. Elle adorait ça. Je me console en me disant qu'elle ne doit pas avoir souffert trop longtemps. Ça s'est fait vite», raconte l'homme.

HÉBERT PROMET PLUS DE GICLEURS

Le ministre de la Santé, Réjean Hébert, a visité L'Isle-Verte hier matin. Il a affirmé que Québec augmentera le nombre de gicleurs dans les résidences privées, mais pas immédiatement. Car il n'y a pas de solution magique, prévient-il. « Si c'était simple, on l'aurait déjà fait », a dit le ministre de la Santé lors de son passage à L'Isle-Verte. «On doit déterminer quels établissements doivent être giclés, comment le faire, et comment les aider financièrement. Ce n'est pas un problème simple », a-t-il rappelé. L'hiver dernier, M. Hébert a lancé à l'Assemblée nationale cette mise en garde : « Faut-il attendre qu'on ait un drame avant d'implanter des règles claires ? » «Ce sont des prémonitions douloureuses », a-t-il avoué hier midi, après une visite de la communauté ébranlée.

RETOUR EN CLASSE

La vie normale reprend peu à peu à L'Isle-Verte. Alors que des conditions météorologiques défavorables forçaient la fermeture de toutes les écoles de la commission scolaire de KamouraskaRivière-du-Loup, celle de la localité ouvrait ses portes à nouveau pour ses 80 élèves du primaire. L'école Moisson-d'Arts était devenue le quartier général de la police et des intervenants depuis le sinistre de la semaine dernière. «Il

y a eu jusqu'à 150 policiers. Quatre jours plus tard, ils sont moins nombreux», explique le directeur général de la commission scolaire, Yvan Tardif. «Beaucoup de parents m'ont dit que les enfants avaient hâte de reprendre l'école, raconte pour sa part Sharon Woodman, professeure d'anglais. C'est sûr qu'on va être plus sensibles: si on voit que certains ont les larmes aux yeux, on va les supporter. Mais les enfants vivent plus dans le présent. Pour eux, c'était important de retourner à l'école et de voir leurs amis.»