Il y a eu des murmures étonnés quand Roch Bernier, copropriétaire de la Résidence du Havre, s'est approché au micro lors de la commémoration privée pour les 32 personnes âgées disparues. Puis les quelque 800 personnes se sont levées dans l'église pour l'applaudir.

C'était la première fois que M. Bernier parlait publiquement depuis le tragique incendie de sa résidence privée. «Je suis ici le coeur rempli d'émotion, en même temps avec une souffrance énorme», a-t-il confié.

Après avoir passé de nombreuses heures à répondre aux enquêteurs, M. Bernier est épuisé. Il n'était pas prévu qu'il prenne la parole. Il parlait sans notes.

«Ma première pensée est pour nos disparus. C'étaient les nôtres. On les appelait nos résidents (...) Dans chaque individu ici, il y a une peine énorme, mais en se serrant les coudes, on va passer au travers», a-t-il raconté.

«Nous allons faire tout notre possible. Je ne sais pas comment on va résoudre tout cela, on va vous accompagner. Les moments plus difficiles, on va les vivre ensemble», a-t-il ajouté.

Loin d'accuser le propriétaire, la communauté s'est ralliée derrière lui.

À la sortie de l'église, il s'est brièvement adressé aux médias. Il n'a pas répondu aux questions sur les mesures de sécurité ou les causes de l'incendie, qui sont examinées par l'enquête policière.

Peu avant, Lucie Bérubé, infirmière affiliée à la résidence, a vanté «le travail et la compétence» des deux propriétaires. Ils apportaient de la «sérénité» à la résidence.

L'infirmière avait choisi il y a trois ans le CLSC de la résidence de l'Isle-Verte pour se rapprocher de ses deux grands-mères. Sa grand-mère paternelle est morte peu avant son entrée en fonction. Sa grand-mère maternelle Marie-Lauréat Dubé est morte lors de l'incendie. «J'ai eu tellement de plaisir à la voir au bureau, si fière dans la salle d'attente, de pouvoir dire: l'infirmière, c'est ma petite fille», s'est-elle souvenue.

«Les résidents affrontaient au quotidien avec courage la vieillesse, la solitude, la maladie et la perte, a-t-elle poursuivi. (...) Comme j'aimais ces petits moments en après-midi où ils venaient me jaser de leur journée.»

La mairesse Ursule Thériault a aussi pris la parole dans cette église bâtie par «les bras et la foi». Elle était suivie par le député libéral Jean D'Amour, qui s'est rappelé le «silence» et «l'enfer de feu et de glace» à son arrivée sur les lieux à 6h30 le matin du drame.    

La cérémonie était dédiée à la communauté. Une poignée de sobres bouquets de fleurs étaient déposés à l'avant de l'église, à côté de photos des disparus.

Le curé Gilles Frigon a descendu les marches pour prononcer son homélie. L'amour se révèle dans la souffrance de sa perte, a-t-il expliqué. «Je savais que je vous aimais avant le drame, a-t-il dit, en refrénant ses larmes. Mais je ne savais pas que je vous aimais tant.»

Le père Frigon, un capucin, voulait que Pierre-André Fournier préside la cérémonie. L'archevêque officiait plus tôt en journée à Causapscal. Il est arrivé quelques minutes en retard à cause du blizzard sur la route 132. Le halo de la voiture en avant de lui était son seul phare. «J'ai compris c'était quoi, la foi en l'autre», a-t-il blagué.    

La première ministre Pauline Marois, le ministre de la Sécurité publique Stéphane Bergeron, ainsi que le chef libéral Philippe Couillard et l'ex-ministre des Aînés Marguerite Blais, assistaient aussi à la commémoration privée.

Une cérémonie officielle est aussi prévue. Elle se déroulera le samedi 1er février.

Photo MATHIEU BELANGER, Reuters