Le terrible incendie qui a ravagé la Résidence du Havre dans la nuit de mercredi à jeudi à L'Isle-Verte, une petite municipalité du Bas-Saint-Laurent à 30 kilomètres à l'est de Rivière-du-Loup, a fait au moins 5 morts et une trentaine de disparus, selon le dernier bilan de la Sûreté du Québec, à 21h. Aucune autre mise à jour officielle ne sera effectuée avant vendredi matin, ont également fait savoir les agents.

Le tiers de la résidence a été évacué avec succès, rapportent les autorités. Le réseau TVA avait avancé un bilan de 6 morts et 27 disparus, plus tôt en avant-midi, sans que les autorités ne confirment ces chiffres. 



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L'intensité du brasier et la vapeur qui s'en dégage empêchaient encore ce midi la Sûreté du Québec d'avoir accès ce qu'il reste de la Résidence du Havre. En fin d'après-midi, ils prenaient contrôle du site.

La résidence hébergeait des personnes âgées autonomes et semi-autonomes. La majorité des résidents étaient âgés de 85 ans et plus, selon la plus récente fiche publiée sur le site du ministère de la Santé. On craint toujours le pire pour la trentaine de ces occupants qui sont encore portés disparus.

Cet après-midi, la ministre du Travail Agnès Maltais a d'ailleurs évoqué le décès de «30 personnes» en point de presse. 

L'édifice comptait 53 unités de logement. La Sûreté du Québec (SQ) veut vérifier combien étaient occupés puis chercher les disparus. Elle fera ce «travail délicat» avec «doigté», indique son lieutenant Guy Lapointe.  L'eau utilisée pour éteindre l'incendie a formé une couche de glace de «quatre pouces à un pied» qui recouvre le site. Il faut la fondre avant de fouiller les ruines. «On veut préserver l'intégrité des victimes (...) On ne veut pas entrer dans le détail, dit M. Lapointe. Je ne pense pas que c'est nécessaire.»

L'enfer en moins de 10 minutes

Alors que la nuit tombait sur la petite municipalité, des flammèches se dégageaient encore du site.

Le feu était d'une rare violence. Les premiers pompiers sont arrivés sur le site moins de 10 minutes après le début de l'incendie, peu après 12h20 dans la nuit. «C'était un brasier total», a raconté Yvan Charron du Service d'incendies de L'Isle-Verte.

En quelques minutes, une portion de l'édifice avait déjà flambé. Elle était «totalement embrasé» et réduite en ruine.  Elles fumaient encore plusieurs heures plus tard dans le froid glacial.

«Pour la partie encore debout, on est rentré à l'intérieur à 100%», raconte M. Charron. Les pompiers de six municipalités l'aidaient. Aucun camion n'avait d'échelle. «Ça n'aurait changé absolument rien, croit Yvan Charron. «Où on aurait eu besoin peut être d'un camion à échelle, c'était dans la partie embrassée totalement, et il n'y avait rien à faire là».

Selon le certificat émis en 2011, les chambres étaient «partiellement» munies de gicleurs. Ceux en place ont déclenché, dit M. Charron.

Le froid complique encore le travail. Des tuyaux des camions ont gelé. «On s'en est quand même bien sorti, on a des trucs pour dégeler», assure-t-il.

La SQ s'apprêtait en fin de journée à déployer deux périmètres. Le premier (zone rouge) sera fermé par des clôtures opaques par respect pour les victimes qui seront éventuellement retrouvées.

La SQ appelle les proches des personnes portées disparues à se présenter à l'école Moisson-d'Art pour rencontrer les enquêteurs. 

Le corps de police et ses partenaires continuent par ailleurs leur déploiement. Une structure «Filet 4» - pour un drame avec décès multiples - a été installée. Déjà, 125 policiers et les pompiers de six municipalités sont sur place. Une interdiction de vol a été décrétée au-dessus de la zone de l'événement. Un poste de commandement de la Sécurité civile a aussi été mis en place. Le Bureau du coroner est aussi installé

Les ambulanciers ont transféré 13 blessés. L'un d'eux a été envoyé dans un hôpital de Québec pour obtenir des soins en chambre hyperbare.

Témoignages sur la tragédie

Devant la Résidence du Havre, jeudi matin, Jacques Bérubé, sans nouvelles de sa mère qui y habitait, regardait les décombres de l'immeuble ravagé par les flammes.

Adrienne Dubé, âgée de 99 ans, est non-voyante mais autonome, a expliqué M. Bérubé, qui s'est rendu en vain pour la retrouver à l'hôpital de Rivière-du-Loup, ainsi qu'à une école de L'Isle-Verte où les résidants ont d'abord été transportés.

L'homme de 70 ans se préparait au pire. «Je suis allé voir près du bâtiment: le coin où était sa chambre est brûlé», a-t-il laissé tomber. «Il reste à suivre les autres événements, que j'aime pas. Mais je n'ai pas le choix, ça fait partie d'une réalité.»

Selon M. Bérubé l'autonomie limitée des résidants a certainement nui à leur évacuation. «Il y a 58 personnes, ça aurait pris quelqu'un pour chaque personne», a-t-il dit.

Un couple de l'Isle-Verte a été éveillé par les sirènes des pompiers. De la fenêtre de leur résidence, ils ont aperçu une lueur rouge dans le ciel. L'homme et sa femme se sont rendus sur les lieux de l'incendie «c'était terrifiant à voir», a indiqué la dame âgée d'une soixantaine d'années.

Mario Michaud, qui habite tout près de la résidence pour personnes âgées, a précisé à l'hebdomadaire local Info-Dimanche avoir composé le 911. Dans les heures qui ont suivi, il a vu le feu et une femme sur un balcon du deuxième étage qui criait. Son fils est arrivé avec une échelle, mais il n'a pu rien faire.

«Le feu était pris au deuxième étage. Une femme sur un balcon au deuxième étage criait et son fils est arrivé avec une échelle, mais il n'a pu rien faire. Elle est morte brûlée.»

Le chef des pompiers de la municipalité Yvon Charron a décrit l'événement comme «une nuit d'enfer.»

En face de l'Isle-Verte, la municipalité insulaire de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, est elle aussi affectée par le drame. Au conseil municipal, le maire et quelques conseillers avaient des proches qui habitaient à la résidence du Havre. Denis Cusson, directeur général de la ville a indiqué que les proches des sinistrés et des victimes ont dû se rendre sur la terre ferme en motoneige pour traverser le pont de glace.

«Les gens sont partis en motoneige pour traverser le pont de glace pour se rendre sur la terre ferme et ensuite prendre une voiture pour aller vers la résidence», a indiqué M. Cusson.

Heureusement pour eux, le pont était en bon état, ce qui n'était pas le cas la semaine dernière.

«Dans le malheur, ça facilite les déplacements», ajouté M. Cusson.

Évacuations

Quelques résidences ont été évacuées par mesure préventive au cours de la nuit. Des personnes se sont retrouvées au Motel Le Barillet; l'école Moisson d'Arts a aussi été sollicitée. Sur place, encore sous le coup de l'émotion, plusieurs personnes n'avaient pas la force de commenter le drame.

«Je suis vraiment trop affectée pour dire quoi que ce soit», a indiqué une dame qui se trouvait à l'école Moisson d'Arts.

L'incendie a éclaté vers minuit 30 dans l'immeuble qui comprenait 52 logements. Le complexe abritait également un CLSC, une pharmacie et un salon de coiffure.

La violence du brasier a nécessité l'intervention de quatre services d'incendie de la région et l'évacuation d'une douzaine de résidences dans le périmètre du sinistre.

La Résidence du Havre ne comptait qu'un petit nombre de personnes âgées autonomes, la majorité de la clientèle étant composée de personnes semi-autonomes ou en perte d'autonomie. Selon la mairesse suppléante, Ginette Caron, la plupart des résidants se déplaçaient en chaise roulante ou à l'aide de marchettes et plusieurs nécessitaient des soins spécialisés.

Certains sinistrés ont d'abord été accueillis à l'école primaire Moisson d'Or avant d'être relocalisés chez des amis ou des membres de leur famille.

En raison de l'éventail de services, l'institution accueillait non seulement des résidants de l'Isle-Verte mais aussi des municipalités environnantes.

La Sûreté du Québec mènera une enquête sur les causes du sinistre. Des représentants du bureau du coroner, de la Sécurité civile de même que de l'Agence régionale de la Santé et des services sociaux sont sur place.

L'Îsle-Verte est une municipalité située à environ 30 kilomètres à l'est de Rivière-du-Loup, dans le Bas Saint-Laurent.

Réactions à Québec

La première ministre, Pauline Marois, qui est au Forum économique de Davos, en Suisse, s'est dite «profondément attristée» par la situation. Elle a ajouté que les services sociaux et la Sécurité publique mettent tout en oeuvre pour venir en aide aux sinistrés et leurs proches.

Devant la tragédie, le chef de l'opposition officielle, Philippe Couillard, a annulé un point de presse qu'il avait prévu tenir ce matin et se déplacera vers L'Isle-Verte dans la journée. «J'offre mes plus sincères condoléances aux familles et aux proches des victimes touchées par ce drame. J'en profite pour remercier les intervenants qui sont à pied d'oeuvre pour soutenir la communauté», a souligné monsieur Couillard dans un communiqué.

Dans une déclaration écrite, le chef de la Coalition Avenir Québec, François Legault, a tenu à offrir ses «plus sincères condoléances aux familles et aux proches des victimes. Nous saluons les efforts et le courage des secouristes, des résidents et de toute la communauté qui prêtent main forte et qui se serrent les coudes dans ces moments difficiles. Ce drame est d'une infinie tristesse et tout le Québec est derrière vous».

Le ministre responsable de la région Bas-Saint-Laurent, Pascal Bérubé, a annoncé sur les réseaux sociaux qu'il se rendrait sur place aujourd'hui.

Une ligne téléphonique est disponible pour les proches inquiets. Le numéro est le suivant: 1-800-659-4264.

La résidence en photos

-Avec Philippe Teisceira-Lessard, Tommy Chouinard, La Presse Canadienne et AFP