Des entreprises qui se soustraient à l'esprit de la loi 35, une concentration accrue des contrats, un marché montréalais «toujours dominé par certaines entreprises»: c'est un constat d'échec sans équivoque que dresse le maire Gérald Tremblay dans une lettre envoyée le 5 juin dernier au ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard.

Questionné par le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, au sujet de la part importante de contrats toujours accordés aux entreprises de Tony Accurso, le maire Tremblay a déposé cette lettre hier soir devant le conseil municipal. Il y rappelle avoir applaudi la présentation, en décembre dernier, du projet de loi 35, qui devait combattre et sanctionner les pratiques frauduleuses dans l'industrie de la construction. Six mois plus tard, il déchante: «Certaines entreprises se sont organisées pour se soustraire à l'esprit de la loi, bien qu'elles en respectent la lettre [...]. L'adoption de cette loi n'a pas permis de réduire la grande concentration des contrats dans le marché montréalais.» Pire, la part de la valeur des contrats de la Ville de Montréal accordés par exemple à Louisbourg SBC, l'entité de l'empire Accurso qui hérite maintenant des contrats publics, «s'est légèrement accentuée», passant de 18% en 2011 à 21% cette année. Comme la Ville est liée par l'obligation de donner le contrat au plus bas soumissionnaire conforme, le maire écrit: «Nous ne pouvons que réaliser que le marché montréalais est toujours dominé par certaines entreprises».

L'administration Tremblay enjoint au gouvernement du Québec de resserrer sa loi, «notamment quant aux règles visant les administrateurs des entreprises». En même temps, elle s'inquiète de l'impact d'une restriction de la licence d'une firme comme Louisbourg SBC, qui obtient un contrat sur cinq. Retirer cette entreprise du circuit pourrait «ni plus ni moins paralyser le marché de la construction montréalais». On demande donc à Québec d'adopter des «mesures transitoires», sans toutefois préciser lesquelles.