Les programmes d'infrastructures par l'entremise desquels le gouvernement du Québec verse chaque année des millions aux villes forcent le recours aux firmes de génie-conseil, déplore Vision Montréal. Le parti de Louise Harel craint que certaines clauses imposées aux municipalités pour obtenir d'importantes subventions accentuent les risques de collusion relevés dans le rapport Duscheneau.

L'opposition à l'hôtel de ville de Montréal a récemment été surprise d'apprendre que la métropole était obligée de confier un contrat à une firme de génie-conseil pour avoir droit à une subvention. L'administration versera plus d'un demi-million à la firme BPR pour préparer les plans d'un bassin de rétention des eaux dans le projet de démantèlement de l'autoroute Bonaventure. «Pourtant, un bassin de rétention, s'il y a une chose que la Ville sait faire, c'est bien ça», s'est étonnée Louise Harel.

Pour justifier ce contrat, l'administration municipale indique que «seuls les services professionnels effectués par des firmes externes peuvent bénéficier des subventions puisque la main-d'oeuvre interne de la Ville de Montréal n'est pas une dépense admissible et remboursable».

La métropole est loin d'être la seule dans cette position. La majorité des programmes d'aide financière destinés aux municipalités exclut les salaires des ingénieurs ou architectes municipaux, les «services professionnels» dans le jargon municipal. Or, ceux-ci représentent une importante part des coûts des projets.

Le Fonds pour le développement du sport et de l'activité physique précise par exemple que les subventions accordées couvrent les «honoraires versés à des professionnels reconnus pour la conception et l'ingénierie et à du personnel technique ou encore à des consultants retenus pour la surveillance ou la gestion». On précise toutefois que les salaires des professionnels employés par les municipalités ne sont pas admissibles.

«Inacceptables»

Louise Harel juge inacceptables ces clauses présentes dans cinq des sept principaux programmes d'aide financière chapeautés par le ministère des Affaires municipales. Son parti déposera à la prochaine séance du conseil municipal une motion pour que la métropole «demande au gouvernement du Québec de retirer toutes clauses de ses programmes d'aide financière qui forcent la Ville de Montréal à recourir à des firmes externes pour bénéficier des programmes partagés».

L'ex-ministre des Affaires municipales de 1998 à 2002 comprend difficilement pourquoi son ancien ministère force les villes à recourir au privé pour obtenir une subvention. «Est-ce pour favoriser les firmes de génie-conseil?», s'interroge-t-elle. Il a été impossible, hier, de savoir auprès du ministère des Affaires municipales pourquoi ces clauses sont incluses dans les conditions de ses programmes d'aide financière.

«Dans le contexte de la commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction, avec toutes les allégations de collusion, il faut que ça change, il faut que ça cesse», estime Louise Harel. Elle est d'autant plus inquiète que le rapport de l'Unité anticollusion que dirigeait jusqu'à récemment Jacques Duchesneau a souligné les dangers de la perte d'expertise en ingénierie au sein des organismes publics.

Ces clauses sont d'autant plus paradoxales aux yeux de l'opposition que Montréal tente de récupérer son expertise en ingénierie. La Ville a ainsi prévu 20 millions dans son budget 2011 pour embaucher des professionnels. On prévoit l'embauche de 70 professionnels pour la conception, la réalisation et la surveillance des travaux d'infrastructures.