«Les bandits et autres gens concernés ont certainement fêté mercredi soir», lâche Yves Francoeur, représentant des policiers de Montréal, au lendemain de la création de la commission Charbonneau, qu'il assimile à un banal «colloque».

Bien qu'il éprouve «beaucoup de respect» pour la commissaire France Charbonneau, le chef syndical ne cache pas la déception et la frustration de ses membres devant la création de la commission d'enquête semi-publique et «sans pouvoir de contrainte».

«Même le premier magistrat de Montréal n'est pas tenté d'aller y témoigner, c'est assez éloquent, déplore-t-il en entrevue à La Presse. La mafia n'y viendra pas non plus. Qui va y aller, alors? Des individus en mal de publicité?»

Indépendance de l'UPAC

Yves Francoeur remet également en question l'indépendance de l'UPAC. Celui-ci dit baser sa réflexion sur les témoignages troublants qui parviennent de plus en plus à lui.

«Il y a un malaise généralisé et très important, pas seulement chez les policiers, mais aussi au sein de l'appareil judiciaire, à propos de l'Unité permanente anticorruption (UPAC)», explique le président de la Fraternité des policiers de Montréal. «Est-ce que sa structure hiérarchique et sa ligne d'autorité démontrent une indépendance sur le plan des enquêtes? La réponse est non.»

Lors de son allocution, Jean Charest a dit s'être appuyé sur l'opinion de chefs de corps de police, dont celui de Montréal et le commissaire de l'UPAC, pour justifier sa commission «taillée sur mesure». De l'avis du premier ministre, une formule «Gomery» aurait entravé le travail des policiers et contaminé leur preuve. Dans Le Devoir, Pierre Veilleux, président de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec, a d'ailleurs défendu le «choix judicieux» du premier ministre.

Ce que réfute son homologue Yves Francoeur, dont plusieurs des membres sont intégrés au sein de l'escouade Marteau: «C'est un faux problème. Il n'y a aucune interférence possible puisque l'on ne peut pas utiliser ces témoignages en cour. [...] Dans le cas de SharQc et de Printemps 2001, on avait des cadavres et des scènes de crime. Pour prouver de la collusion, c'est plus difficile. En éliminant le pouvoir de contrainte, on se prive des pistes qu'auraient pu donner aux policiers des témoins qui se contredisent, se disputent entre eux, etc.»

Selon Yves Francoeur, au final, Jacques Duchesneau aura été plus efficace «en un an avec ses 12 enquêteurs et le peu de moyens dont il disposait». «Je lui lève mon chapeau», dit-il.

Au mois de septembre, La Presse s'est fait l'écho de récriminations de policiers de la Sûreté du Québec (SQ) qui ont affirmé que les enquêtes de l'escouade Marteau «sont orientées sur des cibles précises».

«La SQ est une excellente organisation policière, lisait-on dans une lettre anonyme écrite sur du papier en-tête et postée dans une enveloppe du quartier général rue Partenais. Cependant [...] il n'y aura aucun membre du gouvernement actuel qui sera accusé par la SQ ou l'UPAC! Pourquoi? Dans notre système actuel, il n'y a aucune indépendance entre le pouvoir policier et le pouvoir politique et c'est ce dernier qui dicte ses ordres au DG et aux DGA de la Sûreté.»

«Personne n'est à l'abri des lois, personne n'est à l'abri d'une enquête policière», a répliqué la Sûreté, offusquée par ces allégations d'influence politique.