Le gouvernement Charest voit des inconvénients à «une enquête publique telle quelle», a souligné hier le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil. Le gouvernement travaille à une autre proposition, il «cherche un chemin» qui assurerait l'information du public sans porter ombrage aux enquêtes policières et aux victimes.

Hier, au gouvernement, on marchait sur des oeufs après que La Presse eut rapporté que Québec allait lancer une enquête sur l'industrie de la construction, une opération étroitement balisée qui se déroulerait avant tout derrière des portes closes. L'annonce sera faite avant le congrès du PLQ, qui débute le 22 octobre. À Paris, le premier ministre Charest n'a pu nier ces informations et s'est contenté de dire que le gouvernement étudiait encore tous les scénarios.

«Le gouvernement va prendre le temps de mesurer chaque choix, mais le simple fait que, depuis les derniers jours, on ait une meilleure idée des conséquences qu'une enquête publique ou privée a sur des enquêtes policières, ça devrait nous aider à mieux comprendre le sens de chaque chose», a-t-il dit après s'être entretenu avec le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, au Quai D'Orsay. Selon M. Charest, «il y a des signaux encourageants sur la pédagogie faite au Québec sur la question des commissions d'enquête. On commence à mieux mesurer les choix qui se présentent à nous et les conséquences derrière ces choix». Québec n'a pas arrêté de décision, mais compte faire un geste. Le premier ministre promet de «prendre les mesures nécessaires pour arriver au bout de ce problème».

À l'Assemblée nationale, le péquiste de Verchères, Stéphane Bergeron, a relevé les hésitations de Québec depuis la publication du rapport de Jacques Duchesneau. «Depuis, le gouvernement gigote, se démène, s'agite pour tenter de trouver un artifice, une patente quelconque, pour donner l'impression qu'on répond aux attentes de la population.» Or, celle-ci repoussera carrément la commission proposée par Québec s'il se contente du huis clos. L'exercice devra être transparent, indépendant et toucher le financement des partis politiques. «Il n'y aura pas de demi-vérité comme il n'y aura pas de demi-enquête», a prévenu le leader parlementaire péquiste. Le choix du commissaire devrait être fait sur proposition du Vérificateur général, un fonctionnaire nommé par l'Assemblée nationale, «au-dessus de tout soupçon», a insisté M. Bédard.

«Connaître les stratagèmes»

Selon le ministre Dutil, la population veut que les criminels soient condamnés, et souhaite connaître les «stratagèmes» de la corruption. D'après le ministre, les péquistes «prétendent qu'une commission d'enquête publique ne nuira pas à d'éventuelles condamnations de ceux qui ont commis des crimes. Il peut y avoir des difficultés entre l'enquête publique et les enquêtes policières, et, par voie de conséquence, il y a un chemin à trouver», a soutenu M. Dutil. En point de presse, il a laissé tomber qu'il y a «des risques à faire une commission d'enquête telle qu'on la prévoit dans la loi actuellement. On essaie de trouver une solution qui ne permettrait pas aux gens qui ont commis des infractions de s'en tirer. Au niveau de la créativité, [on tente] de faire de nouvelles choses... la solution peut arriver rapidement ou prendre plus de temps».

En point de presse, M. Dutil a refusé de commenter l'absence de conclusion de la rencontre entre Jacques Duchesneau et son patron, le responsable de l'Unité permanente anticorruption, Robert Lafrenière. Les deux hommes se sont vus mardi, et M. Lafrenière a accepté que M. Duchesneau prenne deux semaines de vacances - jusqu'au 17 octobre - pour se rendre à l'étranger assister au mariage de son fils.