Mettre fin à la collusion dans le milieu de la construction routière sera plus difficile pour les policiers que ne l'a été la lutte aux groupes de motards criminalisés, estime le directeur de l'Unité anticollusion (UAC), Jacques Duchesneau. Seule une commission d'enquête permettra de mettre en place des mécanismes pour enrayer le phénomène.

Prenant l'exemple de la lutte contre les motards criminels, le patron de l'UAC a indiqué lors de son passage à Tout le monde en parle qu'«on avait des crimes connus, des meurtres, de la vente de stupéfiants. On avait quelque chose sur quoi commencer le travail d'enquête. La collusion, c'est un peu plus subtil. "On s'entend pour dire que, le prochain contrat, on donne 10%." Comment faire la preuve? C'est ça qui va être difficile. On a mis un fardeau important sur les épaules des policiers parce que bâtir une preuve qui va être solide et se rendre devant les tribunaux et mener à des condamnations, c'est pas une mince tâche», a indiqué l'ancien directeur du Service de police de Montréal.

Ce dernier estime qu'une commission d'enquête, dont une partie se déroulerait à huis clos devant trois juges, pourrait permettre de contrecarrer la collusion. «Prouver une entente secrète entre deux personnes, c'est sûr que c'est plus difficile. Le but, c'est de mettre des systèmes en place pour empêcher que des choses comme ça se produisent.»

À ceux qui critiquaient sa présence à une émission de Radio-Canada avant son témoignage devant les élus, Jacques Duchesneau a répondu avoir pris cet engagement avant que ne soit fixée la date de la commission parlementaire où il sera entendu, mardi. Il tenait à défendre publiquement son rapport «parce qu'on lui a fait dire des choses qui n'étaient pas vraies».

Intimidation journalistique

Il estime ainsi avoir été pris à partie par certains journalistes, qu'il a refusé de nommer, comme il refuse de nommer les responsables de la collusion. «Il y a de l'intimidation sur les chantiers et on a eu de l'intimidation dans notre travail.»

Jacques Duchesneau a d'ailleurs invité le public à se questionner sur les motivations de «certains reporters qui ciblent toujours l'Unité anticollusion». Il a notamment déploré les reportages sur une partie de golf qu'il nie avoir eue avec François Legault, les qualifiant de diversions.

Jacques Duchesneau calcule avoir fait face à cinq tentatives pour l'écarter de l'UAC depuis son arrivée à sa tête, soulignant avoir toujours reçu l'appui du premier ministre Jean Charest. «Chaque fois qu'il y a eu pseudo scandale, j'ai offert de remettre ma démission, mais on m'a dit non, continue. Ça vient avec le type de travail. On ne se fait pas d'amis en faisant un travail comme le mien. Il faut continuer et il ne faut pas vivre dans la peur.»

Devant les critiques sur son rapport, notamment du président de SNC-Lavalin, Jacques Duchesneau a défendu la qualité du travail de son équipe qui a interrogé plus de 500 personnes. «Chacun des paragraphes de ce rapport de 88 pages est appuyé par des témoignages et des vérifications.»

Malgré les conclusions explosives de son rapport, le directeur de l'UAC tient à rassurer la population. «Restons calmes. On a vécu des crises de toutes les sortes et il ne faut pas céder à la panique.»

Jacques Duchesneau dit d'ailleurs avoir senti un «effet Marteau», du nom de l'opération policière mise sur pied pour enquête sur la collusion et de l'Unité anticollusion. «En 18 mois, on a permis de sauver 347 millions au gouvernement du Québec. Il se passe quelque chose.»