L'ADQ et le PQ tenteront d'obtenir que le responsable de l'escouade anticollusion du ministère des Transports, Jacques Duchesneau, explique à l'Assemblée nationale son rapport percutant sur les pratiques du ministère des Transports en matière d'appels d'offres publics.

«On est devant la plus grave crise politique des 30 dernières années et le premier ministre Charest s'enferme dans un déni inacceptable», a soutenu le député adéquiste François Bonnardel, hier, en fin de journée. Le député de Shefford a écrit au président de la Commission de l'administration publique (CAP), le péquiste Sylvain Simard, pour lui demander que les parlementaires puissent entendre l'ancien directeur du SPVM sur les observations-chocs contenues dans son rapport, qui a fait l'objet d'une fuite la semaine dernière.

«La gangrène se répand depuis des années au ministère des Transports», a renchéri M. Bonnardel. L'étude du rapport Duchesneau s'inscrirait selon lui dans le prolongement des audiences tenues par la CAP l'an dernier sur la gestion du ministère des Transports.

Le président de la Commission de l'administration publique, Sylvain Simard, abonde dans le même sens. L'idée d'entendre M. Duchesneau sera soumise dès demain matin à la réunion du comité directeur de la CAP, indique-t-il. Cette requête s'inscrit aussi dans le prolongement du mandat entrepris l'an dernier par la CAP; avant même que le rapport Duchesneau ne tombe dans le domaine public, la commission prévoyait rappeler, en novembre, les dirigeants du ministère des Transports. «Je ne vois pas comment on pourrait ne pas parler alors du rapport Duchesneau», explique Sylvain Simard.

Avec la majorité des sièges à la CAP, le gouvernement libéral pourrait toujours museler ce projet d'appeler M. Duchesneau à témoigner, mais cela aurait des conséquences dans l'opinion publique. En 2007, le gouvernement minoritaire n'avait pu freiner l'opposition qui avait ordonné à la lieutenante-gouverneure, Lise Thibault, de comparaître devant la Commission de l'administration publique à l'Assemblée nationale. En revanche, en 2010, le gouvernement avait fait en sorte que l'ancien ministre de la Justice Marc Bellemare ne vienne pas témoigner en commission parlementaire, au moment où le premier ministre Charest et lui se querellaient par médias interposés.

Depuis que son rapport a fait l'objet d'une fuite dans les médias, M. Duchesneau n'a accordé aucune entrevue. Pas de réponse au téléphone de sa résidence ou à son cellulaire. Il brillait par son absence samedi aux vendanges organisées par l'ex-ministre fédéral Denis Paradis, où il se rend chaque année.

Des lacunes connues depuis des années

Le rapport Duchesneau relève aussi les graves problèmes du Ministère à conserver son expertise. Or, un document obtenu par La Presse démontre que les ministres des Transports sont au courant de cette lacune depuis des années.

Produit par la Direction des ressources humaines de Transports Québec, le documentPlanification de la main-d'oeuvre 2008-2011 mettait déjà le doigt sur l'un des problèmes importants soulevés dans le rapport Duchesneau, devenu public la semaine dernière. Le rapport souligne que le Ministère n'est plus capable de conserver ses ingénieurs et techniciens, que cette perte d'expertise débouche sur une situation inacceptable, où les firmes privées se contrôlent entre elles sur les chantiers, sans surveillance gouvernementale.

Dans son rapport, la DRH constatait déjà les nombreuses absences prolongées demandées par des ingénieurs et des techniciens pour travailler ailleurs. Pas moins de 23 ingénieurs et 28 techniciens s'étaient prévalus de ces congés sans solde prévus à la convention collective «souvent pour réaliser un contrat pour une firme privée». Le Ministère, continue-t-on, «éprouve des difficultés croissantes de fidélisation des employés» chez les ingénieurs et les techniciens en travaux publics. Le privé offre des «postes d'experts chèrement rémunérés» aux employés de plus de 15 ans d'expérience. «Le recrutement pour les emplois d'ingénieurs ou de techniciens en travaux publics où le marché est présentement très concurrentiel est une préoccupation constante», écrivaient déjà les fonctionnaires il y a trois ans. Quand on sollicite les ingénieurs qui se sont qualifiés pour les postes dans la fonction publique, ils ont souvent trouvé un emploi ailleurs et «ne sont plus intéressés par les conditions de travail qu'on leur présente».