Le ministère des Transports du Québec (MTQ) a disqualifié les firmes Dessau et Genivar d'un important appel d'offres en lien avec sa nouvelle politique anticollusion.

L'appel d'offres concerne la préparation des plans et la surveillance du chantier de la voie de contournement nord de Rouyn-Noranda. Les travaux sont estimés à 71 millions de dollars.

Dans une lettre transmise le 23 mars à Genivar, le MTQ explique avoir disqualifié le consortium parce qu'il aurait fait «une fausse déclaration et une déclaration inexacte sur un point important relativement aux documents "attestations relatives à l'absence de collusion"».

L'extrait de la lettre est reproduit dans une poursuite intentée par Dessau et Genivar à l'endroit du gouvernement. Dans la requête déposée en Cour supérieure, à Montréal, le consortium se défend vigoureusement d'avoir enfreint les règles et juge déraisonnable l'interprétation du Ministère.

Essentiellement, le litige porte sur les nouvelles dispositions des appels d'offres au ministère des Transports concernant la collusion. Pour prévenir le trucage des appels d'offres, le MTQ exige que les soumissionnaires indiquent, pour le contrat en jeu, s'ils ont eu des contacts avec des concurrents et, si oui, lesquels et pourquoi. Ces renseignements doivent figurer au paragraphe 26 des documents soumis.

Dans le projet de Rouyn-Noranda, Dessau a indiqué au MTQ n'avoir eu de discussions avec aucune autre firme que Genivar. Or, le concurrent Groupe Stavibel a, de son côté, indiqué avoir discuté avec Dessau pour le contrat, en novembre 2010.

Dans la poursuite, Dessau reconnaît avoir reçu un appel téléphonique du président de Stavibel, Gilles Marcotte, mais l'entreprise juge qu'un tel appel n'est pas visé par les dispositions du paragraphe 26. « (Le dirigeant de Dessau) lui a tout simplement indiqué que l'entreprise n'était pas intéressée à entreprendre des discussions avec Stavibel concernant le projet» puisqu'elle avait conclu une entente avec un autre partenaire, Genivar.

Le consortium Dessau-Genivar soutient que sa déclaration au paragraphe 26 est «rigoureusement exacte» puisqu'il n'y a pas eu de communication visant le trucage de soumissions ou un arrangement avec un concurrent, tel que le stipule le contexte des nouvelles dispositions des appels d'offres.

Une tactique, dit Dessau

La poursuite accuse même le concurrent Stavibel d'avoir manoeuvré pour l'exclure de l'appel d'offres, Stavibel devenant ainsi le seul soumissionnaire (en partenariat avec un tiers).

«Gilles Marcotte (de Stavibel) a utilisé ces banales discussions afin de laisser croire au MTQ, de façon trompeuse et erronée, que des discussions visées par le paragraphe 26 seraient intervenues entre Stavibel et Dessau», est-il écrit dans la requête.

«Accepter l'interprétation du MTQ, affirment plus loin les requérants, ouvrirait la porte à la possibilité, pour certains soumissionnaires mal intentionnés, de se servir des attestations anticollusion comme tactique dans le but d'écarter des offres concurrentes avant qu'elles aient pu être étudiées au mérite.»

Joint au téléphone, Gilles Marcotte se défend d'avoir été mal intentionné. Il reconnaît que la conversation avec Dessau n'a duré que quelques minutes. Conversation au terme de laquelle sa proposition de partenariat a été rejetée. «Mais dès qu'il y a discussion, il faut le déclarer au paragraphe 26. Le ministère des Transports est très strict», dit-il.

Cette disqualification en vertu des nouvelles dispositions anticollusion serait une première. Le ministère des Transports ne nous a toutefois pas rappelés pour donner sa version des faits.

Dans sa poursuite, le consortium Dessau-Genivar demande que le tribunal juge valide sa soumission et oblige le MTQ à la considérer. Il exige aussi que soit annulé tout contrat de service entre le MTQ et le consortium concurrent mené par Stavibel.

Stavibel de Rouyn-Noranda, compte environ 330 employés et son partenaire Aecom, de Montréal, près de 1000. De leur côté, Dessau et Genivar emploient chacun quelque 4500 personnes.