La CCQ a fait fi de ses propres directives en matière d'attribution de contrats en s'attachant les services d'un éminent spécialiste en éthique sans passer par le processus d'appels d'offres, a appris La Presse.

Me Donald Riendeau a reçu la somme de 90 126$ entre les mois de mai et septembre 2010 pour des «services-conseils en éthique et déontologie» facturés à l'heure.

La Commission de la construction du Québec (CCQ) nous écrit ceci: «Nous vous confirmons qu'il existe un contrat intervenu entre la CCQ et Me Donald Riendeau [...] accordé sans appel d'offres conformément à notre politique sur les contrats de biens et services.»

La Politique sur les contrats de biens et de services de la CCQ prévoit que tous les contrats de services professionnels de 25 000$ à 100 000$ doivent être adjugés à la suite d'un appel d'offres sur invitation et de «façon générale» auprès de trois fournisseurs. Cela pour respecter les «principes fondamentaux» de sa politique, qui sont la «concurrence», la «transparence» et «l'économie». Le point 1 de cette politique indique qu'il faut privilégier «la formule de contrat à forfait chaque fois que possible».

Information caviardée

Les documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information ont été caviardés afin que l'on ne puisse pas voir le nombre d'heures de travail de Me Riendeau. La nature de son travail est considérée comme des «détails confidentiels».

Ses premières factures ont été adressées à l'ex-directeur général André Ménard (remplacé récemment par Diane Lemieux); les suivantes à Me Michel McLaughlin, secrétaire général de la CCQ.

Même discrétion lorsqu'on demande le contrat de Me Donald Riendeau. La CCQ invoque la protection du secret professionnel «en vertu de l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne».

Expertise rare et urgence

Lors d'un entretien téléphonique suivi d'un long courriel explicatif, Me Riendeau a expliqué que «les services en éthique font souvent partie des expertises pointues et difficiles à déterminer à l'avance». «On ne vend pas du bois. [...] Il est pratiquement impossible d'être à forfait et d'avoir des appels d'offres précis comme dans les domaines juridiques», dit-il.

Même s'il considère qu'il est «important d'être en compétition», Me Donald Riendeau indique que son cas fait partie des «exceptions» prévues aux directives d'adjudication des contrats de la CCQ, notamment parce qu'il est considéré comme un «service juridique». «Il y avait une certaine urgence à cause de dossiers très chauds, dit-il. La CCQ voulait aussi quelqu'un d'externe à l'organisation, d'une grande disponibilité et qui rendrait des comptes au PDG. Il leur fallait aussi un avocat afin d'être certains que la confidentialité serait respectée.»

Il vante aussi son savoir-faire dans le domaine: «Il m'arrive de procéder à un diagnostic des conflits d'intérêts dans une organisation. Expertise que je suis l'un des seuls à posséder au Québec. Parfois, cela me prend 10 jours de travail alors que, d'autres fois, il est question de 30 jours.»

Déontologie, éthique et saine gestion

André Martin, porte-parole de la CCQ, fournit plus de détails sur le rôle de Me Riendeau: «Il a été embauché pour développer et mettre en place différentes politiques et pratiques en matière de déontologie, d'éthique et de saine gestion. Il doit émettre des avis et formuler des recommandations, suggérer des encadrements appropriés [...]. Il traite toute demande provenant de membres du personnel relativement à des questions éthiques et déontologiques.»

M. Martin ne nie pas qu'il existe d'autres experts de l'éthique au Québec, comme René Villemure ou Me Jean Hétu, mais il indique que son organisme «était déjà en contact» avec Me Riendeau. «Et notre nouvelle présidente est très satisfaite de son code d'éthique», conclut-il.

- Avec William Leclerc