Par la petite porte et en pleine controverse, André Ménard a quitté mardi soir son poste à la tête de la Commission de la construction du Québec (CCQ) après un règne de 17 ans, officiellement pour «prendre sa retraite et se consacrer aux autres passions qui l'animent». Un épilogue qui choque certains syndicats.

Dans un bref communiqué publié hier, la ministre du Travail, Lise Thériault, lui a simplement «souhaité une retraite qui lui permettra, en compagnie de sa famille et de ses proches, de réaliser tous ses projets».

C'est le secrétaire général de la CCQ, Michel McLaughlin, qui va assurer l'intérim en attendant la nomination très prochaine de son successeur par le Conseil des ministres. Il aura pour mission de faire le ménage et de changer radicalement les pratiques de l'organisme.

Le président de la CCQ a été poussé à démissionner avant la fin de son mandat à la suite de la publication par La Presse depuis le mois de décembre d'articles portant sur d'importants frais de voyage et de formation engagés pour des administrateurs et des dirigeants de l'organisme. Depuis 2004, près de 500 000$ ont été dépensés pour des voyages à Hollywood, à Las Vegas ou à San Diego, essentiellement dans le cadre de congrès sur la gestion des caisses de retraite et d'assurances collectives. Cela comprenait des tours d'hélicoptère, des soupers-croisières et des billets de spectacle dont ont aussi profité les conjointes.

Même si la majeure partie du financement de la CCQ provient des cotisations des employés et des employeurs de la construction, la ministre du Travail, Lise Thériault, a jugé que ces dépenses étaient malvenues dans un contexte de resserrement budgétaire. Québec a demandé des comptes à l'organisme parapublic, pour savoir, notamment si les rallonges budgétaires accordées dans le dernier budget Bachand pour lutter contre la criminalité et le travail au noir dans l'industrie ont été utilisées comme il se doit.

La CSN et la FTQ furieux

La CCQ et son président étaient déjà depuis quelque temps dans la ligne de mire de Québec, mais cette histoire de voyages et de congrès onéreux a fait déborder le vase. Le gouvernement s'inquiétait de la proximité entre cet organisme, chargé de régir l'industrie de la construction au Québec, et la FTQ-Construction, par exemple. Le système d'attribution des certificats de compétence, qui favoriserait certains acteurs de la construction au détriment d'autres, faisait aussi grincer des dents, notamment parce qu'il aurait pour conséquence indirecte de favoriser le travail au noir, nous a-t-on dit.

C'est sans compter les diverses allégations révélées par les médias dans les derniers mois. Par exemple, Radio-Canada a révélé, sur la base de témoignages d'ex-enquêteurs de l'organisme, que des entrepreneurs impliqués dans du travail noir pourraient avoir bénéficié d'un traitement de faveur.

Dans un communiqué publié hier, la CSN-Construction a accusé le gouvernement de se servir d'André Ménard comme bouc émissaire pour compenser «sa propre inaction»: «Les problèmes demeurent entiers. Nous continuons de réclamer une commission d'enquête pour assainir l'industrie de la construction.»

Yves Mercure, qui a annoncé son départ prochain de la présidence de la FTQ-Construction, a participé à certains congrès payés par la CCQ en tant que membre du conseil d'administration. Il a également apporté son soutien à André Ménard. Dans une entrevue accordée à La Presse, il s'est dit «choqué par l'attitude de la ministre», qui a «sacré dehors» son PDG sans venir s'expliquer devant ses administrateurs: «On administre pour 10 milliards de caisses de retraite par année, alors c'est normal qu'on aille se former sur la gestion de nos caisses de retraite. Ce n'est pas un party, quand on va là-bas!»

Selon le cabinet de la ministre du Travail, André Ménard aurait quitté son poste sans aucune indemnité de départ.